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Sous le ciel des Anges… Avant Propos : Comme toujours, les personnages sont la propriétés d'Aaron Sorkin & Cie excepté Lola. " Parce qu'il y a des êtres qui nous manque et que l'on regrette leur l'absence… " Nous avons chacun un modèle, un être auquel on s'identifie, une personne que l'on respecte. De toute ma vie, je n'ai jamais pensé que mon modèle puisse être une autre personne. Je suis, pour mon âge, une personne assez spéciale. Ou peut être que c'est le monde autour de moi qui est spécial. Je l'ignore. Ce que je sais, c'est que je suis moi même, surtout lorsque je suis entourée des miens et de ceux que j'aime. Je me souviens parfaitement, j'étais toute petite, je me noyais dans l'océan de ses yeux et j'y voyais tout ce qu'il ressentait. Un lien unique et particulier nous lie. Nous n'avons pas besoin de parler. Nos silences sont lourds de sens. Et on se comprend, quoi qu'on fasse. C'est la personne en qui j'ai le plus confiance. Et nous avons de longues années de complicité derrière nous. On se complète, on se soutient. Parfois, un grand vide nous envahit. Et dans ces moment là, j'ai peur. Parce que je le vois souffrir. Je déteste ces instants où il ne dit rien et se met à penser. Elle est encore dans ses pensées. Je le sais. Et je ne sais pas trop quoi faire dans ces cas là. Je tiens un journal intime. Ca fait sept ans maintenant. J'y ait tout inscrit, mes peines, mes joies, et tout ce qui le concerne. Parce qu'il représente tout à mes yeux. Mais je ne sais pas très bien pourquoi je tiens ce journal. En général, on inscrit dans son journal des choses qu'on ne répéterai à personne. Mais moi, je lui dit tout. Et je ne fais que redire à mon journal ce que je lui ai dit à lui. Pourtant un jour, c'était il y a deux ans. J'avais rencontré un garçon. Et c'est peu être le plus grand secret que j'ai su gardé. J'aurai préféré mourir plutôt que de le mettre au courant. Je crois qu'il s'est douté de quelque chose. Et mon journal a disparu. Je l'ai cherché, mis à sac la maison, et j'en étais malade. Si quelqu'un venait à lire…s'il lisait ne serait ce qu'on mot sur Alec…je me sentais extrêmement mal. Et je lui en voulais. Même si je n'avais aucune preuve qu'il l'avait. Il est arrivé un après midi, ce qui était inhabituel. J'étais dans le living room, avec un livre et une tasse de thé. Il était souriant, sans doute heureux d'être rentré de bonne heure. Mais son visage a très vite changé d'expression quand il m'a vue. Moi et ma moue boudeuse. J'ai commencé à l'accuser, à lui dire qu'il n'avait aucun respect pour ma vie privée. Il m'a laissée parler, et une fois ma liste d'arguments écoulée, il m'a regardé et m'a dit d'aller voir dans le tiroir de la commode de ma chambre. Il m'a juré qu'il ne l'avait pas lu. Il avait tout simplement glissé derrière le canapé du salon. Je me sentais à présent coupable moi même, de l'avoir accusé injustement et d'avoir douté de lui. Je me suis rendue dans ma chambre, j'ai pris le carnet de cuir brun et l'ai rejoint dans le salon. Je lui ai tendu et l'ai prié de le lire. Et il appris l'existence d'Alec. Quelque part, je me suis sentie soulagée. Je n'avais plus de secret, c'était bien trop dur à garder pour moi. Il a souri en voyant que je m'étais éprise d'un ami. Et moi, je me suis sentie rougir. Mais ça valait le coup. Depuis, je ne lui cache rien. Et je laisse traîner sans crainte mon journal. Je sais qu'il ne le lit pas. Mais il sait qu'il n'en a pas besoin. Car il connaît tout de moi, de ma vie, de ce que j'aime, de ce qui me fait peur, de ce que je fuis, et de ce dont j'ai envie. Nous avons de nombreuses passions communes lui et moi. Nous sommes des fans de sports, en particulier de football et de base ball. Nous lisons beaucoup. Il nous arrive de nous installer au coin du feu, lorsqu'il fait froid, en plein hiver, et de prendre un livre. Soit chacun le sien, soit un livre pour deux. Et dans ce cas, un de nous lit à voix haute. J'aime quand c'est à son tour de lire. Il a une voix douce, et mélodieuse aussi. Je passe des heures à l'écouter parler et ne m'en lasse pas. Il suffit qu'il ouvre la bouche pour que tout s'illumine. Et nous sommes aussi de fins cuisiniers. Nos plus grands fous rires se passent dans la cuisine. On décide de faire un gâteau, mais au fur et à mesure que la préparation avance, on s'aperçoit qu'il nous manque des ingrédients. On change alors la recette à notre façon et au sortir du four, on a bien souvent des surprises. Je veux dire par là que nous arrivons à créer de délicieux gâteaux ou alors des choses innommables et immangeable. Nous sommes tous les deux épris de liberté. Les grands espaces, les paysages qui s'étendent à perte de vue…Les balades. Nous passons de longues heures à nous promener quand il n'est pas trop occupé et préoccupé par son travail. Il m'effraie parfois à travailler autant. Nous sommes des amoureux du soleil, de la Californie d'où il est originaire, les plages, les vagues, le surf, la voile…Et enfin, les débats. Nous adorons débattre. De tout. Il ne nous faut qu'un sujet et nous voilà partis pour des heures de palabres. La plupart du temps, nous sommes d'accord, mais faisons comme si ce n'était pas le cas. Il arrive cependant qu'on ne le soit pas. Et à la fin de la discussion, ni l'un ni l'autre n'a été assez convaincant pour changer d'opinion. Parfois, en pleine conversation, il s'arrête et me regarde. Un regard troublant. A chaque fois qu'il fait ça, j'ai l'impression qu'il la voit à travers moi. Mais nous n'en parlons jamais, comme s'il s'agissait d'un sujet tabou. Je ne sais pas d'ailleurs si j'aimerai qu'on en parle. Tout en lui me passionne. Je ne connais personne de plus intelligent, impliqué dans ce qu'il fait, entier, passionné. Et beau. Tout le monde m'envie dans mon entourage. Et ils ont raison. C'est l'homme le plus beau qui soit. Je ne lui dirai pas…il en serait trop heureux. Mais il sait que je n'en pense pas moins. Durant toutes ces années, nous avons appris à nous connaître par cœur. Nous ne nous étonnons pas l'un et l'autre, mais nous avons toujours quelque chose à apprendre. Ce qui est assez paradoxal en fin de compte. Je le vois souvent rentré tard. Il est épuisé, tient à peine debout, mais je ne l'ai jamais entendu se plaindre. Il aime son travail. Il aime les gens avec qui il travaille. Moi aussi d'ailleurs, il font un peu partis de ma famille. Et même dans des moments où il est au bord de l'épuisement, il me consacre son temps et son énergie. Moi, je meurs d'envie de le prendre dans mes bras et de le dorloter comme il l'a fait si souvent. C'est agréable d'être blottie contre lui. Le silence s'installe, et seuls nos souffles se font entendre, réguliers et à l'unisson. Ce matin, je regarde par la fenêtre de notre maison. Il pleut des cordes dehors. Et il fait presque nuit. Quelques voitures passent, mais la rue est calme. Il est parti de bonne heure, une fois de plus. Et même si j'ai toute la matinée de libre, je n'ai pas pu m'empêcher de me lever. Nous avons pris notre petit déjeuner ensemble. Je trouve ça tellement triste de manger seule. Il était en retard, comme d'habitude. Il s'est pris les pieds dans son porte documents dans l'entrée, a oublié ses clés sur la console, un véritable chambardement. Il n'a pourtant pas oublié de glisser un baiser sur ma jour, notre petit rituel avant que l'un ou l'autre ne parte. Je me suis installée à la fenêtre il y a une demie heure. Je l'ai regardé grimper dans la voiture, garée en face, je l'ai vu quitter le parking, et rejoindre son bureau en ville. Et depuis, je regarde au loin le jardin d'enfants. Il me rappelle de nombreux souvenirs et il est rare que je ne devienne pas mélancolique en y pensant. Le ciel semble s'éclairer un peu. S'il s'arrête de pleuvoir, je pourrai m'habiller et passer prendre Natasha, ma meilleure amie. Elle n'aime pas beaucoup marcher, mais pour son bien, je l'encourage à éviter les transports en communs, qui sont plus coûteux, plus polluants, et bien moins sains que le grand air. Je l'entend déjà pousser des hurlements, soupirer, râler, s'esclaffer pour prendre le bus. Rien que de l'imaginer me fait rire. Je jette un dernier regard vers l'horizon qui s'étend sur plusieurs kilomètres et quitte la salle à manger où je m'étais installée. A mon anniversaire, il m'a offert ce que je souhaitais sans doute le plus. Je n'osais pas lui demander, parce que c'était hors de prix. A la place, je lui simplement demandé un livre. Il n'était pas donné, mais il m'avait assuré que ça ne le dérangeait pas. Et surprise en ouvrant la boite enveloppée d'un nœud rouge, la veste en daim que j'admirais depuis des mois. Chaque fois que je passais devant la boutique, je ne pouvais m'empêcher de la regarder. Et son prix aussi. Je ne pensais pas qu'il puisse l'acheter sans me le dire, me faire croire qu'il allait me prendre un bouquin. Je l'ai depuis presque un an maintenant, et en prend le plus grand soin. Lorsque l'hiver tombe, je la range au placard, il fait bien trop froid, elle n'est pas assez chaude. Mais la tentation est plus forte. J'ai pris soin d'enfiler un gros pull de laine, mon écharpe, mon bonnet que j'enfonce jusqu'à ne plus rien voir, et il ne me reste plus que mes gants. Mais le téléphone se met à sonner et je me précipite dans l'entrée pour répondre. " Allô ? " " Tu n'es pas encore partie ? " " J'allai y aller. Un problème ? " " Tu peux passer par le bureau avant de rentrer ce soir ? " " Rien de grave ? " " Non ! C'est une surprise ! " " D'accord. Je serai là vers cinq heures. " " Entendu. Hé ! Je t'aime ! " J'aime tellement quand il me le dit. Je le sais, mais je ne me lasse pas de l'entendre. " Je t'aime aussi, à ce soir ! " Comme je l'avais prévu, Natasha, ma meilleure amie, n'avait nullement l'intention d'aller jusqu'à l'université à pied. Elle a ronchonné tout le long du chemin. Mais elle s'est bien vite calmée quand je l'ai invitée à la maison le jeudi soir qui suivait. Je me demande parfois si elle aime venir à la maison pour moi ou pour lui. Elle le regarde toujours avec des yeux doux, un regard de biche. Ca m'amuse, et parfois ça me donne envie de ne plus lui adresser la parole pendant des mois. Mais je ne peux pas m'empêcher de l'appeler dans les minutes qui suivent son départ tant je l'adore. Nous nous connaissons depuis la crèche certainement, nos mamans étaient très proches. Enfin je crois. Et nous même sommes inséparables. Enfin, je repense à notre conversation tandis que je marche vers son bureau. Quelle est donc cette surprise ? Cela m'intrigue un peu. " Ton père sera là demain soir ? " " Il y a des chances, à moins qu'il ait un procès en cours. " " Et tu vas le retrouver ce soir ? " " Oui, il m'a demandé de passé à son bureau. " " Tu lui passeras le bonjour de ma part. " " Sans faute. " J'en souris encore. Et sans y songer, je pousse déjà la porte de l'immeuble où il travaille. C'est une véritable ruche au rez-de-chaussée, comme toujours. Je me dirige sans me poser de question vers l'ascenseur et appuie sur le 3. J'ai à peine le temps d'ôter mes gants et mon bonnet que la porte s'ouvre. " Hé ! Lola ! " " Bonjour ! " Les gens qui travaillent ici sont tous très gentils, et il suffit que je sois là pour qu'ils pensent à autre chose qu'au travail. J'adore lorsque j'arrive dans son bureau. La porte est en général grande ouverte, il est au dessus d'un dossier et il arbore ses lunettes. Ses nouvelles lunettes, depuis qu'il a perdu les anciennes…Il est extrêmement intelligent mais il lui arrive parfois de faire des choses insensées et de ne plus se souvenir. " Salut ! " " Ma Princesse… " Le voilà debout, ouvrant ses bras pour que je puisse m'y blottir. " Alors, cette surprise ? " Il m'entraîne par la manche et ouvre le bureau d'un collègue qui a apparemment pris sa retraite. " Je te présente notre nouvel avocat, Maître Josh Lyman ! " Je n'en crois pas mes yeux. Josh, son meilleur ami est devant moi, je ne l'ai pas vu depuis un certain temps, peut être deux mois, nous nous voyons de moins en moins souvent depuis qu'il vit à New York. " C'est une blague ? " je m'écrie en m'élançant vers Josh et en le serrant dans mes bras. Ce sont de réelles effusions de joie. Il y a deux semaines le cabinet recherchait désespérément quelqu'un pour remplacer Stella Newton, un des meilleurs éléments de l'équipe, et sous mes yeux, Josh…C'est tellement bon de le voir. Il est un peu comme un grand frère, on a fait les quatre cent coups ensemble au grand damne du grand Chef ! " Comment ça va ma belle ? " m'a-t-il demandé. Comment je vais ? Mais on ne peut mieux, entourée des hommes qui ont le plus de place dans ma vie, comment pourrait il en être autrement. " Bon, on va fêter ça ou on reste là à se regarder dans le blanc des yeux ? C'est moi qui invite. " Nous voilà partis, tous les trois, comme il y quelques années quand Josh était encore à Washington. Il n'a pas lésiné sur les moyens et a choisi le meilleur restaurant de la ville que je connaisse. Mais ça en vaut tellement le coup. Je ne fais que picorer dans mon assiette tant je suis absorbée par la conversation et tant j'ai de question à poser à Josh. " Comment va Donna ? " " Très bien. Elle vous embrasse tous les deux, je l'ai abandonné dans les cartons, et je me sens un peu coupable ! " Le ton de remords qu'il arbore me fait sourire. Au fond Josh se fiche un peu d'avoir lasser tout le boulot à sa femme, il en a toujours fait ainsi. Mais je me suis parfois demandé si Donna ne le suppliait pas de la laisser être sous ses ordres. " Kimy et Andreas sont impatients de venir et ils la font devenir folle. " " Au moins, ils tiennent ça de toi ! " C'est plus fort que moi, les voir se chamailler est un réel plaisir. Soudain, Josh met fin à la dispute et me regarde, puis il détourne les yeux. " Sam…Parle moi de notre belle Lola ! " Il est silencieux, et semble réfléchir. " Que veux tu que je te dise, elle s'est mis dans la tête de travailler pour le compte du prochain président des Etats Unis. Mademoiselle est sans doute la plus studieuse de sa classe, et a un brillant avenir d'avocat devant elle. Et elle cuisine à la perfection. Des choses que tu savais déjà. " " Oui, je savais qu'elle était parfaite ! " Nous nous échangeons des sourires et je pense que je rougis légèrement. Soudain, il se lève en s'excusant et Josh et moi nous retrouvons face à face, seuls, silencieux. " Comment va ton père Charlotte ? " " Ca va. " " Je profite qu'il ne soit pas là…enfin…Donna et moi, on se fait beaucoup de soucis. " " C'est pour ça que vous revenez à Washington ? " " Je reviens parce que Sam me l'a demandé. Il voit quelqu'un en ce moment ? " " Non. Tu sais, il ne me parle pas de ça. Il passe des nuits sans lendemain, parfois. " " Et toi, tu vas bien ? " " Je vais bien. Tu sais, ces derniers temps, j'ai un peu l'impression qu'il est distant. " Josh ne me répond pas, mais il baisse les yeux dans son assiette. " Il ne m'a jamais rien dit mais…je suppose que c'est…enfin que c'était… " " Je ne peux pas t'en parler. Mais demande lui de le faire. Vous vous sentirez tout de suite mieux. " Josh va passer la nuit dans le salon, dans le canapé lit qu'il déteste. A chaque fois qu'il dort ici, il s'en prend à notre canapé lit et il se lève le lendemain avec des courbatures…Je lui ai emmené des coussins et des couvertures, j'ai enfilé mon pyjama après avoir brossé mes dents, un rituel que papa m'a appris, toute petite. Je ne perds pas une seconde pour me glisser sous ma couette encore froide, et m'endors aussitôt. Mais ma nuit est agitée. J'entends des voix, entrevoit des visages, que je ne connais pas, ou que je connais trop. Tout est flou et une sensation désagréable m'envahit. J'ai remarqué qu'à cette période de l'année, je dors moins bien. Mes rêves sont violents, mon esprit préoccupé. Josh, Donna et leurs deux enfant s ont finalement emménagé dans un bel appartement, à quelques pâtés de maison de chez nous. C'est pratique et ça nous permet de nous voir souvent. Je passe chercher Kimy et Andreas pour aller jusqu'à leur lycée, on récupère Natasha sur le passage, et le soir, je vais discuter avec Donna. On s'assoit toues les deux atour d'une bonne tasse de thé et on parle pendant des heures. Si bien qu'un soir, papa est venu me chercher lui même car je tardais à rentrer. Nous avons fini par dîner chez Josh. Je fête mes 18 ans aujourd'hui. C'est un jour spécial. Oh pas parce que mon père a eu l'idée de réunir tous mes amis pour un repas, ou parce qu'il va me gâter comme tous les ans. Mais parce que je ressens un grand vide au fond de moi. Je n'aime pas mon anniversaire. Alors que d'autres voudraient le souhaiter 365 jours par an, moi je donnerai tout pour que ce jour disparaisse. C'est mon jour de déprime personnel. Et je crois que cette année c'est pire. Peut être que je réalise avec le temps et la maturité que j'aimerais savoir, et qu'en fait, je ne sais rien du tout. A l'extérieur de ma chambre, j'entends le bourdonnement des premiers invités déjà bruyant. La voix de Natasha me parvient de l'entrée. D'ordinaire, je serais allée la retrouver immédiatement. Mais pas aujourd'hui. J'ai besoin d'être seule avant d'affronter la foule. Le reflet dans le miroir est le même qu'hier, pourtant, je sens que je suis différente à l'intérieur. Et je sais que ce soir, papa et moi nous parlerons. " LoLa ? " Quand on parle du loup. " C'est ouvert ! " Il porte un jean et un sweat bleu marine. S'il n'était pas mon père, cet homme me ferait fondre en dépit de ses 51 ans. J'ai vu de nombreuses photos de lui quand il avait une trentaine d'années. Et il n'a pas changé. Quelques rides au coin des yeux peut être. Et quelques cheveux argentés qui ornent sa chevelure d'un brun ténébreux. Ses yeux bleus sont mon refuge. Quand tout va mal, c'est le seul endroit où je me sente bien. Parce que ses yeux ne mentent pas. Ils inspirent confiance. Je ne lui ressemble pas tellement. Mes yeux sont noisettes et mes cheveux sont roux. Rien à voir. " Tu es splendide…Comment as tu pu grandir aussi vite ? " Je tente de retenir les larmes qui menacent le coin de mes yeux. J'ai des souvenirs qui reviennent, lorsque j'était petite. Et tout se brouille d'un seul coup. " Charlotte, ça va ? " Aurait-il découvert que je suis sur le point de pleurer ? " Je vais bien papa. " " Tout le monde est là, ils n'attendent plus que toi. " " J'arrive tout de suite. " Mais pas avant de m'être blottie contre lui et d'avoir senti un geste rassurant, une caresse de sa main sur mes cheveux. J'ai fait bonne figure toute la journée même si au fond, je mourrai d'envie d'en finir, et de me retrouver seule. Je me suis installée près du feu, j'ai troqué ma robe de cocktail contre un vieux jean et un pull en laine beige. Je regarde les flammes crépiter, le bois craquer et je ne m'aperçois même pas qu'il vient de s'asseoir près de moi. Je sais que mon regard et vide, que toute mon énergie s'est évaporée. Je n'ai plus envie de faire la fête. J'ai assez fait semblant pour aujourd'hui. " C'est un jour important pour toi… " Je n'arrive plus à retenir mes larmes à présent. Elles coulent sans retenue sur mes jours, je sanglote doucement, et j'apprécie qu'il ne bouge pas encore. " Elle me manque tellement… " " Je sais… " " C'est injuste ! Nous devrions le passer ensemble ce jour, il nous appartient à toutes les deux, et elle n'est pas là. Tu ne m'as jamais parlé d'elle, je n'ai aucun souvenir, aucune photo, je ne sais rien d'elle. Mais je sais qu'elle me manque et que son absence me fait mal… " " Je ne t'en ai jamais parlé parce que… " il cherche ses mots. C'est bien la première fois qu'on a du mal à communiquer tous les deux. " J'ai cru qu'en t'en parlant, tu souffrirais d'avantage, et je souffrais assez comme ça sans avoir à te faire partager ma peine. " Il passe une main à travers les boucles de mes cheveux. " Elle avait…les même cheveux flamboyants que toi. C'est la première chose que j'ai remarqué chez elle. Notre première rencontre a été…un désastre. Elle était institutrice. Elle avait emmené ses élèves visité la Maison Blanche et je devais leur servir de guide. " A l'imaginer jouant les guides touristiques, je ne peut m'empêcher de sourire. Il en rit aussi. " Nous nous sommes détesté dès le premier regard…ou plutôt…ça a été le coup de foudre. Sans qu'on veuille l'avouer, nous sommes tombés amoureux, il y avait vraiment quelques chose de très fort entre nous. Mais c'était très compliqué. Déjà, il y avait mon boulot, à la Maison Blanche qui prenait tout mon temps. Et puis son père, enfin…ton grand père, Leo. Il voyait d'un mauvais œil notre liaison, alors il a tenté de nous éloigner l'un de l'autre, ça n'a pas marché…Ta grand mère Jenny ne 'ma jamais beaucoup aimé…Enfin…malgré tout ça, on a décidé de partir à Las Vegas. J'étais prêt à l'épouser devant Elvis, quand je me suis dit que ce n'était pas ce que nous voulions. Nous sommes rentrés à Washington. Et nous avons organisé un grand mariage. Un an seulement après notre rencontre. Tout s'est passé très vite, on ne s'est plus quitté malgré mon travail, et le sien. Nous étions souvent séparés en raison de voyages d'affaires…Elle en avait assez mais elle n'a jamais rien dit. Et puis un jour, je rentrais de Miami, un voyage où elle n'avait pas voulu aller. Elle était assise dans le canapé. Elle souriait. Elle avait l'air serein. Tranquille. Elle n'a pas eu besoin de le dire. J'ai compris tout de suite. Tu es née neuf mois plus tard. " Je sentais qu'il avait du mal à finir ses phrases. A parler distinctement sans avoir la gorge serré. Je sentais qu'il souffrait de ramener tant de souvenirs à sa mémoire. Et moi aussi, car je découvrais ce qui me manquait depuis 18 ans. " Pendant sa grossesse, j'ai mis mon boulot entre parenthèse, le plus possible du moins. Et quand elle a appelé un jeudi soir, pendant un discours au congrès, j'ai tout quitté pour être auprès d'elle pendant l'accouchement. Tu étais si petite, et si fragile. Tu lui ressemblais tellement. Tu avais sa frimousse. Lorsque je vous ai vu toutes les deux, toi, notre plus beau cadeau, et elle, j'ai pleuré pour la première fois. Tu étais un bébé si sage. Et elle était si tendre. Tu étais tout à ses yeux. Personne n'aurait jamais pu te faire de mal. Il vous arrivait… " Ses phrases étaient de plus en plus saccadées. " Parfois, je rentrais et vous trouvais toutes les deux dans le salon. Tu riais aux éclats. Vous étiez joues contre joues. Et ces instants étaient magiques. J'aurai pu tout quitter si elle me l'avait demander. Pour vous deux. Elle n'a pas voulu. " " Est-ce que c'était la première femme qui a compté ? " J'osais à peine lui poser cette question. J'ignore même pourquoi je l'ai fait. " Avant de la rencontrer…j'ai été fiancé. A une femme qui ne m'aimait pas. Je n'ai rien vu. Elle a annulé le mariage. Je ne croyais plus à l'amour. En fait…je ne savais pas ce qu'était l'amour. J'ai commencé à mener une vie de célibataire endurci. Les aventures ne duraient pas plus d'une nuit, j'ai même couché avec une Call Girl. Et puis j'ai rencontré Mallory. Quand cette histoire de Call Girl a fait surface, elle m'en a voulu. Et je n'ai même pas chercher à m'expliquer auprès d'elle. Nos débuts ont été très…difficiles. " " C'est le moins qu'on puisse dire. " Je ne voulais surtout pas le blesser. " Qui a choisi mon prénom ? " " Nous nous sommes battus pour ton prénom. Elle voulait que ce soit Eloïse, moi je voulais Elisabeth. On a été impossible de se mettre d'accord. Puis Charlotte a fait surface. On l'a aimé tous les deux et depuis ta naissance, nous te surnommons Lola. " J'aimais qu'il me parle d'elle, de leurs disputes enfantines, des moments où nous étions tous les trois…Lorsque mon regard s'obscurcit, il reprit la parole. " Elle et toi…Vous êtes pareilles. Tout en toi me la rappelle. Ton sourire, tes yeux, ta façon de débattre avec les gens, et avec moi en particulier. Ta confiance en toi, ton charme, ta voix douce et posée, tes passions pour les animaux, les enfants, la politique, la cuisine… " " Je lui ressemble tant ? " " En tous points. Elle t'a donné toute sa beauté, son intelligence, sa force. " Mes larmes ont cessé de couler. Il m'a un peu réconforté en me disant tout ça. Mais je veux tout de même savoir… " Un soir de janvier, il neigeait. Les routes étaient glissantes. Elle était allée faire les magasins. Elle t'avait trouvé ton cadeau d'anniversaire en avance. Elle était surexcitée à l'idée de me le montrer. Ton premier cadeau d'anniversaire. On avait rendez vous à la Maison Blanche ce soir là. Tu étais chez la mère de Natasha. Cecil, ta nourrice, une grande amie de Mallory. J'ai eu une réunion de dernière minute qui s'est éternisée. J'étais fou de remords parce qu'elle devait être dans mon bureau en train de faire les cent pas. J'ai traversé les couloirs à toute hâte, impatient de la voir et de la serrer dans mes bras. Il n'y avait personne dans mon bureau. Pas de messages, rien. J'ai d'abord pensé qu'elle était passé te récupérer. Ma secrétaire est entrée à ce moment. Elle avait un visage sombre. Elle allait m'annoncer une mauvaise nouvelle. Je n'ai pas mis longtemps avant de faire le lien entre Mallory, toi, et un accident. " C'est bien trop dur pour que je contienne mes larmes. " Elle a manqué un virage glissant. Sa voiture a fait plusieurs tonneaux. Elle est… " Il ne peut pas finir sa phrase. Et je ne veux sans doute pas qu'il la finisse. Pour la première fois, je le vois pleurer. Nos mains se joignent, nous lient. " J'ai pensé à son corps qui devait être froid dehors, sou cette neige. J'ai pensé que sa place resterait à jamais vide dans notre lit, dans mon cœur, dans ta vie. J'ai pensé à toi. Si petite, si fragile, et qui avait tant besoin de ta maman. Je pensait ne pas avoir la force de vivre sans elle. Mais tu étais là. Ma raison de vivre. Mon rayon de soleil. La seule lumière de ce monde. " " Des fois…par moments…je sens sa présence. J'ai l'impression qu'elle est là, même si je ne la connais pas, je sais que c'est elle. " " Je sais…parfois j'ai l'impression qu'elle vit à travers toi. Tu as toujours été forte, comme elle. J'ignore ce qu'il serait advenu si tu n'avais pas été là. Quand je pense à elle, et que son absence est insoutenable, je te regarde. Tu es notre plus belle réussite. Je suis sûre que là où elle se trouve, elle est fière de ce que tu es devenue. Et moi aussi. " " Je suis ainsi grâce à toi papa ! " Je ne peux m'empêcher de m'accrocher à son cou, et d'attendre qu'il me câline. " Elle me manque tellement…Mais tu es là, et elle est là aussi, j'en suis sûre. " J'ignore si je me sens soulagée de tout cela. Je sais que j'attendais la vérité depuis longtemps, et même si elle a été difficile à entendre, je crois qu'il a bien fait de me parler d'elle. Je sais que je n'ai aucun souvenirs, j'étais trop jeune, mais parfois, j'ai l'impression de me retrouver dans ses bras et de l'entendre me dire des mots tendres et réconfortants. Même si je ne savais rien, je crois que j'ai toujours deviné ce qui était vraiment arrivé. Papa ne m'en avait jamais parlé. Je savais juste que je n'avais pas de maman. On m'avait dit, petite, que ma maman était au ciel avec des anges. J'ai grandi en acceptant cette simple explication et dans la crainte de blesser mon père en lui demandant la vérité. Mais en grandissant, je comprenais que ses longs silences, ses non dits, ses absences étaient du à un manque. Celui de l'être aimé. En tous cas, il l'a très peu laissé paraître en 17 années. Et depuis 17 ans, il n'a pas aimé une femme. Maman et lui étaient des âmes sœurs sans doute. Je n'arrête pas de me demander ce qui se passerait si elle était encore là. Serions nous aussi complices que je le suis avec papa ? Je ne sais pas. Je sais juste que je voudrais qu'elle soit avec nous pour partager nos fous rires, nos disputes, nos soirées lectures au coin du feu, nos débats politiques que Josh et Donna on rejoint. Je voudrais pouvoir la voir, ne serait ce qu'un instant, et lui dire que je l'aime et qu'elle fait partie de moi. Et aussi qu'elle n'a pas à s'inquiéter pour papa. Même si je sais qu'il n'est pas totalement heureux. Il lui manquera toujours cette partie de lui que l'hiver lui a volé. Il aurait pu quitter Washington après le départ de maman. Rejoindre la Californie et le soleil qui l'avait vu grandir. Mais pour une raison que j'ignore, il est resté attaché à cette ville. Comme je le suis. Comme elle l'était. Maman avait 30 ans quand elle a rencontré papa. Elle accompagnait ses élèves à la Maison Blanche. Papa aurait juré que je deviendrai avocate. Erreur. J'ai enseigné dans une école pendant huit ans. Mais la passion de la politique a été plus forte je crois. Il aurait aimé que je devienne la première femme présidente. Mais il n'est pas moins fier que je sois la secrétaire générale de la Maison Blanche. Je dirige un peu le pays. Notre complicité est restée intacte, et cela dure depuis 32 ans. Je lui ai présenté mon fiancé la semaine dernière. Il lui a tout de suite plu, même s'il n'en laissait rien paraître. Nous parlons déjà mariage. Nous avons même envisagé de faire cela très discrètement à Las Vegas. Mais ce n'est pas vraiment ce que nous voulons, et je veux que maman soit fière de mon mariage. Qu'aurait elle dit si elle nous avait vu jouer la comédie devant Elvis ? Je veux un grand mariage dans une église fleurie. Et je veux que maman soit là, elle et ses amis anges, qu'elle a rejoint il y a si longtemps. Je regarde autour de moi, le cimetière semble bien vide. J'ai apporté un bouquet de roses blanches pour maman. Depuis que j'en sais un peu plus sur elle, je viens une fois par semaine déposé quelques fleurs, et aussi parlé avec elle. Nous avons de grandes conversations, sur papa, sur Chris, sur mon boulot qu'elle n'apprécie pas…je lui rappelle trop son père et le mien je crois. Vous devez me prendre pour une folle. Mais j'ai de réelles conversations avec elle. Je l'entends. Comme si elle était présente. Elle me conseille et me guide. Et surtout, elle m'insuffle sa force. Quand je suis perdue, je me réfugie à ses côtés. " Tu sais ma petite maman…papa est un peu déprimé en ce moment. Il ne dit rien, mais il croit perdre sa petite fille. On a été si proches pendant toutes ces années que de me laisser avec un autre homme, c'est un peu difficile à accepter. Je donnerai n'importe quoi pour que tu sois à ses côtés en ce moment. Je sais qu'il va avoir besoin de ta présence…Je t'aime maman… " Nous avons chacun un modèle, un être auquel on s'identifie, une personne que l'on respecte. De toute ma vie, je n'ai jamais pensé que mon modèle puisse être une autre personne. Pour tout ce que nous avons partagé, pour ce qu'il m'a apporté quand il me manquait quelqu'un, pour les sacrifices qu'il a fait, pour la passion qu'il met dans tout ce qu'il entreprend, il n'existe pas de personne plus parfaite que lui. Mon père est mon modèle. Il a su jouer le rôle de maman quand j'en ai eu besoin. Il a été mon meilleur ami. Mon frère. Il n'existe pas de personne plus extraordinaire que mon père. Je l'aime. Charlotte " Lola " Seaborn… Ecrit par |