:: The West Wing : Les Couloirs de la Maison Blanche ::

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Communication

 

L'ordre des cinq

Géraldine

 

 

Catégorie : crossover Angel – A la Maison Blanche

Personnages : Sam et Wesley

Rating : PG-13

Résumé : Cordelia a une vision, Sam a des problèmes, Wesley a des idées.

Disclaimer : L'univers d'A la Maison Blanche appartient à Aaron Sorkin, John Wells Productions, NBC, Warner Brothers, et quiconque a des droits sur eux. L'univers d'Angel appartient à Josh Whedon, Mutant Enemy Productions, et quiconque a des droits sur eux. Ils ne sont pas et ne seront jamais à moi, je ne touche pas d'argent avec cette fanfic.

Spoilers : dans A la Maison Blanche, tout jusqu'à " The war at home ". Dans Angel, tout jusqu'à " L'ordre des morts vivants "

Note : Suite de Changements indésirables

Remerciements :

Un grand merci à Manuela, qui a accepté la lourde tâche de jouer les beta readers pour le monstre.

 

Merci à MissHeather pour ses remarques et ses conseils sur la cohérence et les invraisemblances de l'histoire.

 

Et enfin, merci à Marie, qui a aimé cette histoire inconditionnellement, comme je lui avais ordonné de le faire, et qui m'a soufflé le titre. Sachez-le, sans elle, cette fic se serait appelée " crossover Angel-Maison Blanche ".

 

 

Prologue

 

 

Washington, février 2001

 

Sam regardait par la fenêtre, rêveur.

Prenant sa décision, il attrapa le premier stylo qui lui tomba sous la main et se mit à écrire.

 

J'avais pourtant juré que je n'écrirais pas cette histoire. Je n'écris pas de fiction, je me limite aux discours, aux listes d'arguments et de contre-arguments qu'on me demande de fournir pour mon travail.

J'ai bien sûr, comme beaucoup de gens, écrit quelques romans au cours de mes études – deux en fait. Ou plutôt : deux que j'ai terminés. Mais je me suis depuis longtemps fait à l'idée que ces romans sont mauvais, très mauvais, et que personne d'autre que moi ne sera jamais au courant de leur existence. C'est mieux comme ça.

J'ai changé d'avis sur beaucoup de choses au cours de ces deux dernières semaines. La plus importante étant qu'il est stupide de m'empêcher d'écrire l'histoire de ces gens – une histoire qui est aussi la mienne. Il est plus que probable que personne ne lira jamais ces lignes, mais si quelque chose devait nous arriver, il serait injuste que personne ne sache ce qui s'est passé. Au mieux, ces lignes serviront aux Observateurs, ou aux équipes de Los Angeles ou de Sunnydale. Au pire, je serai le seul à en connaître l'existence.

Bien sûr, j'ai grandi à Los Angeles et je sais que les vampires, loup-garous et démons de toutes sortes existent depuis mes années de lycée. J'avais laissé cette partie-là de ma vie derrière moi en partant pour Princeton. Du moins, je l'espérais.

Je me sentais en sécurité dans mon monde … jusqu'à ce que je revoie Wesley, il y a deux semaines.

 

*****

 

Los Angeles, appartement de Cordelia Chase

2 semaines plus tôt (Lundi)

 

Les cris de Cordelia attirèrent Wesley et Gunn dans le salon. Les deux hommes savaient ce qu'ils allaient trouver. Comme prévu, Cordy était allongée par terre, et se tenait la tête en gémissant.

" Ca va ? " demandèrent-ils en même temps, sans pouvoir s'en empêcher.

Elle releva la tête un instant pour leur lancer un regard furibond avant de faire la grimace et de tenter de se redresser.

Après l'avoir aidée à s'asseoir dans un des fauteuils, Wesley attrapa son carnet. " Qu'est-ce que tu as vu ? " demanda-t-il.

" Un vampire, " grogna Cordelia en frissonnant. " Il était en train de boire. "

" Où est-ce ça se passe ? "

La jeune fille fronça les sourcils. " C'est bizarre. On aurait dit … La Maison Blanche ? "

 

Première partie

 

J'ai connu Wesley il y a des années, au cours de vacances que ma famille et moi passions en Angleterre. A l'époque, je savais déjà que les monstres existaient, et je me battais contre eux régulièrement. Ou du moins, j'aidais des personnes qui se battaient contre eux. J'espérais que j'aurais l'occasion de passer deux mois tranquilles, loin de tout ça, d'autant que je venais de vivre une période difficile.

Bien entendu, le premier soir après notre arrivée à Londres, je suis allé me promener et j'ai été attaqué par un vampire. La question est de savoir pourquoi je m'étais imaginé qu'ils ne connaissaient pas ces problèmes-là en Europe. Je le savais, mais j'avais fait de mon mieux pour l'ignorer.

Je me suis défendu comme j'ai pu, mais la bataille tournait clairement à l'avantage du vampire quand deux adolescents de mon âge sont arrivés derrière lui. Au moment où le vampire allait me mordre, l'un d'eux a sorti un pieu et l'a réduit en poussière.

Après s'être assuré que j'allais bien, le plus jeune des deux m'a regardé et m'a dit : " C'était juste un … euh … membre de gang. "

La crise de fou rire que j'ai piquée à ce moment-là a dû leur faire peur, mais j'ai fini par réussir à leur expliquer, entre deux rires, qu'on avait les mêmes " membres de gang " en Californie. Exactement les mêmes.

Ils ont eu l'air soulagé, et ça me rassurait de voir que même là-bas, on avait les mêmes difficultés à expliquer ce genre de chose au passant de base qui se retrouvait impliqué dans une bataille rangée.

Le plus jeune m'a tendu la main : " Wesley Wyndham-Pryce. "

J'ai dû avoir l'air surpris devant aussi un nom aussi … anglais, et il a haussé les épaules. " Appelle-moi Wes, tout le monde le fait. Lui, " a-t-il achevé en désignant son ami, " c'est Pete Goldstein. "

On a passé le reste de l'été tous les trois, à parcourir Londres pour faire du tourisme pendant la journée et pour chasser les vampires la nuit.

*****

Los Angeles, appartement de Cordelia

 

" Puisque je te dis que c'était lui ! "

" Mais pourquoi - "

" Wesley, " coupa Cordelia, " on a fait le tour du problème dix fois en une demi heure. Je ne sais pas pourquoi les Puissances veulent qu'on aille à Washington, mais ce que j'ai vu était clair. "

Wesley s'assit dans le canapé. " Je sais, c'est juste que … je connais un peu Sam. "

" Comment tu peux connaître ce type si tu n'as jamais quitté la Californie depuis que tu es arrivé ? " demanda Gunn.

" Après l'Ascension, j'ai pas mal voyagé, et j'ai rencontré Sam à Washington. Mais en fait, ça remonte à plus loin que ça… "

Voyant qu'il n'avait pas l'intention de continuer, Cordelia le rejoignit sur le canapé. " Tu dois te douter que je meurs d'envie d'en savoir plus, " dit-elle sévèrement.

Wesley sourit. La curiosité de son amie était légendaire.

" Sa famille et lui passaient leurs vacances en Angleterre, " expliqua-t-il. " Le premier soir, il s'est fait attaquer par un vampire. "

" Ca a dû lui faire un choc, " commenta Gunn.

" Il savait pour … il savait. Avec un ami, on l'a aidé, et il a patrouillé avec nous pendant quelques semaines. "

" Tu veux dire que ce type combat les démons ? " demanda Cordelia. Elle ne l'avait pas reconnu tout de suite, dans sa vision, mais elle était sûre de l'avoir déjà vu quelque part. Ca lui était revenu quand le mal de tête causé par la vision avait commencé à se dissiper. Elle n'avait pas beaucoup de temps à consacrer à la politique, mais elle se tenait quand même au courant de ce qui se passait dans son pays. Et la fusillade de Rosslyn avait choqué l'ensemble du pays. Elle se souvenait très bien des émissions télévisées auxquelles Sam avait participé le lendemain.

" Je ne crois pas qu'il aurait le temps. Non, il … je crois qu'il a 'pris sa retraite', si vous me passez l'expression. "

" Mais alors, pourquoi - "

" Cordelia, je n'en sais absolument rien, d'accord ? Je suppose que je devrais l'appeler. "

 

*****

 

Washington, Maison Blanche

 

Sam était sur le point de rentrer chez lui quand le téléphone sonna.

" Je suis parti, " expliqua-t-il patiemment au téléphone tout en enfilant sa veste, " je ne suis déjà plus là, oubliez-moi. "

Il avait fini de s'habiller et le téléphone sonnait encore. Soupirant, il alla décrocher.

" Sam Seaborn. "

" Bonjour, c'est … euh … Wesley. "

Pendant quelques secondes, Sam fut absolument incapable de comprendre qui lui parlait. Puis, il réalisa. " Wesley ? Qu'est-ce que tu deviens ? "

" Tu es en sûreté, à ton bureau ? "

" Oui, mais - "

" Bon. Il faut qu'on parle. "

" De quoi ? "

" Il est possible … non, probable, il est probable que tu sois en danger. "

Sam s'assit. " Qu'est-ce qui te fais dire ça ? Tu es à Washington ? "

" Non, à Los Angeles. Je travaille avec des gens ici. L'une d'elles a … ça va te sembler bizarre, mais … elle a des visions. "

" Des visions ? " répéta Sam, platement.

" Oui. Et dans l'une d'elles, elle t'a vu, devant la Maison Blanche, te faire attaquer par un vampire. "

" Je vois. "

" Tu ne me crois pas, " réalisa Wesley.

" C'est bizarre, tu admettras. Et qu'est ce que je suis supposé faire, de toute façon ? Je travaille, ou plutôt, je vis ici. Je suis censé ne plus m'approcher de l'endroit ? "

A sa surprise, une voix féminine, et irritée, lui répondit : " Hey, on essaye de vous sauver la vie. Je vais avoir mal à la tête pendant des heures pour ça, alors essayez au moins d'être reconnaissant, OK ? "

" Euh … Qui êtes vous ? "

" Cordelia Chase. Je vous ai vu aux infos, après que vous vous soyez fait tirer dessus. On a au moins en commun des métiers dangereux. A condition qu'on puisse appeler ce qu'on fait un métier. Et - "

Sam entendit la voix de Wesley en arrière plan, et Cordelia s'interrompit. " Bon, bon, je vous laisse discuter. "

Wesley reprit : " Bon, écoute, Cordelia et moi, on va partir dès qu'on trouvera des places dans un avion. "

" Wesley, c'est ridicule. Il ne va rien m'arriver. "

" Sam, je sais que tu as retrouvé une vie normale, mais ces choses existent, tu le sais, et les Puissances ont forcément envoyé cette vision à Cordelia pour une raison, alors on vient. "

Il avait raccroché sans attendre de réponse et Sam fixa le téléphone un moment avant de répéter : " Les Puissances ? "

Il soupira et ferma les yeux. Il n'avait pas besoin de ça. Il devait déjà se débattre dans les retombées de Rosslyn, le prochain discours de l'état de l'Union approchait et Toby et lui travaillaient 20 heures sur 24, il ne voulait pas retomber dans le paranormal. Tout ça l'avait beaucoup amusé, à une époque. Jusqu'à ce qu'il tombe sur plus fort que lui.

Récupérant son attacher-case, il sortit du bâtiment et se dirigea vers sa voiture, regardant nerveusement autour de lui. Il se rendait soudain compte à quel point il était peu préparé à une attaque. A une époque, se promener avec des pieux avait été aussi naturel pour lui que respirer. Il avait perdu cette habitude à l'université, et avec le temps il avait fini par se persuader qu'il n'en aurait plus jamais besoin.

Il avait oublié à quel point les vampires pouvaient être silencieux quand ils se déplaçaient. Il ne se rendit compte qu'il avait été suivi que quand le vampire le poussa violemment et qu'il atterrit par terre.

Il n'avait pas lâché sa mallette, et il s'y agrippa, en attendant que le vampire le relève, ce qui ne pouvait pas manquer d'arriver. Effectivement, il se sentit empoigné par le manteau, et il s'obligea à se laisser faire, pour que son attaquant ne se doute pas qu'il allait riposter. Quand il se retrouva debout, il serra sa mallette plus fort, pivota sur lui-même et la lança à la tête du vampire de toutes ses forces. Le coup aurait assommé un humain, mais les vampires étaient plus forts que les mortels. Malgré tout, la surprise joua pour lui, et le vampire le lâcha.

Sam avait été assez doué en self défense au lycée. Il pouvait se débrouiller contre les vampires " classiques ", ceux qui servaient les plus puissants.

Mais c'était des années auparavant, et il ne s'entraînait plus depuis bien longtemps.

Il se mit à courir aussi vite qu'il pouvait, bénissant le ciel d'avoir continué à faire du sport. Il entendit le vampire se lancer à sa poursuite. Les seules choses qui pouvaient le sauver était la rapidité et l'endurance. Il espérait que ce serait assez.

Il n'osait pas se retourner, mais il avait l'impression que le vampire gagnait du terrain. Il arrivait au parc près duquel son appartement se trouvait quand il sentit le vampire prendre son élan et se lancer en avant. Une fois de plus, il se retrouva par terre. Le vampire le retourna et lui immobilisa les bras, un sourire lui découvrant les crocs. " Il te veut entier, mais il m'a permis de goûter, " dit-il, et Sam ferma les yeux, attendant la morsure.

 

Deuxième partie

 

Meghan s'ennuyait. C'était à elle de patrouiller, et elle avait fait le tour du quartier trois fois déjà. Rien qui sorte de l'ordinaire, aucune créature de la nuit à éliminer, rien que deux ivrognes qui avaient essayé de la draguer. Elle décida de retraverser le parc une nouvelle fois. Elle aurait peut-être plus de chance.

Elle soupira. Les choses étaient calmes depuis des semaines. Son équipe avait entendu des rumeurs selon lesquelles un vampire très puissant était arrivé (ou allait arriver, selon les sources) en ville et il semblait craint par tous les autres monstres. Son chef lui disait de ne pas s'inquiéter, mais pour elle, un vampire puissant au point de terroriser tout ce que la ville comptait comme démons était inquiétant.

Elle entendit un bruit de course derrière elle et, par réflexe, se cacha derrière la haie qui bordait le sentier. Juste à temps. Un homme en costume, pourchassé par un suceur de sang, déboula sur le chemin. Elle vit le vampire se jeter sur lui et le faire tomber, puis se préparer à le mordre.

Elle sortit de sa cachette, son pieu à la main. Le vampire était tellement occupé qu'il ne l'entendit pas arriver. En temps normal, elle l'aurait prévenu, histoire de s'amuser un peu à se battre contre lui, mais un civil était là, et elle ne voulait pas prendre de risque.

Aussi silencieusement que possible, elle se glissa derrière le vampire, leva le pieu et le frappa de toutes ses forces. Comme toujours, elle ressentit une joie sauvage à le voir se désintégrer. Elle savoura ce sentiment un instant avant de se concentrer sur le civil, qui n'avait pas bougé et essayait de reprendre son souffle.

" Vous allez bien ? " demanda-t-elle.

Il hocha la tête, en se redressant.

" Vous en faites pas, le type qui a essayé de vous voler est - "

" Inutile … de me … raconter … ce genre de trucs, " haleta-t-il.

" Oh. OK. Ça va? "

" Ouais … ouais… Merci. "

" Pas de quoi. "

" Si … Merci, " répéta-t-il.

" Vous habitez où ? Je vais vous raccompagner. "

" Pas loin… Je vais … me débrouiller. "

" Comme vous étiez en train de vous débrouiller quand je suis arrivée ? " ricana-t-elle.

Elle le vit faire la grimace et soupira intérieurement. Encore un de ces machos qui supportaient mal d'être sauvés par une femme. Il se releva à ce moment-là, et elle le reconnut.

" Vous êtes de la Maison Blanche ! " s'exclama-t-elle.

" Oui. Sam Seaborn. Et vous êtes ? "

" Meghan Stevenson. "

Ils restèrent debout un moment, à se regarder, comme si chacun prenait la mesure de l'autre. Elle rompit le silence la première.

" Bon, si vous êtes sûr de vous débrouiller… "

" Ca ira bien, " répondit-il d'un ton distrait. " Merci. "

Elle hocha la tête et s'éloigna, consciente du fait qu'il la regardait encore. La soirée n'avait peut-être pas été complètement perdue, en fin de compte. Elle avait éliminé un vampire. Elle adorait les tuer. Elle décida de retourner directement au QG.

*****

Je n'ai jamais pu oublier ma première rencontre avec un vampire. Je ne comprends pas les gens qui oublient ce qu'ils ont vu. J'étais avec une amie, on revenait du cinéma. Il commençait à peine à faire nuit. Il nous est tombé dessus à deux pâtés de maison de chez elle. Il m'a repoussé en se jetant sur elle, et j'ai eu le temps de voir son visage avant qu'il la morde. Elle a crié, et je me suis relevé, en cherchant quelqu'un qui pourrait nous aider. Il y avait deux adultes, plus bas dans la rue, et je les ai appelés. Ils ont jeté un bref coup d'œil à la scène, et ont fait demi tour. Quand je leur ai hurlé de revenir, ils ont accéléré. Puis, j'ai entendu quelqu'un derrière moi dire : " Inutile, fiston. Ils ne le voient pas. "

Quand je me suis retourné, un homme d'une quarantaine d'années me regardait. Un autre, plus jeune que lui, a planté un pieu dans le dos du vampire qui s'attaquait à Allisson. J'ai dû ouvrir la bouche très grand quand j'ai vu le corps tomber en poussière.

Les deux hommes se sont regardés en silence, et ils donnaient l'impression de se parler par télépathie. Puis, le plus âgé des deux a donné quelque chose à boire à Allisson. Devant mon air soupçonneux, son ami a souri. " C'est juste une boisson avec beaucoup de sucre. Il faut qu'elle reprenne des forces. Je suppose qu'on peut dire qu'un … chien l'a mordue. "

J'ai protesté. " Ce n'était pas un chien ! "

Ils m'ont regardé, sérieusement, et le jeune a répondu : " Non, en effet. Mais ses parents ne croiront pas la vérité. Dans combien de temps devez-vous rentrer ? "

Il nous restait une demi-heure. Les deux hommes ont soupiré. " Ce n'est pas assez, " a dit le plus vieux, qui parlait avec un accent anglais très fort. Il se tourna vers Allisson : " On va vous ramener, et expliquer à tes parents qu'un chien t'a attaquée, et qu'on t'a donné du sucre parce que tu avais perdu du sang. ". Il s'est tourné vers moi : " Puis, on te ramènera. "

J'ai insisté. " Mais qu'est-ce que c'était ? "

L'homme a continué comme si je ne l'avais pas interrompu. " Je tiens une librairie, pas loin du lycée. Peu de gens la remarquent, et c'est bien comme ça. Si tu veux en savoir plus, tu es le bienvenu demain après les cours. "

Comme il l'avait promis, il nous a ramenés, et le lendemain, je suis allé à l'adresse qu' il m'avait donnée. C'était une maison particulière, dont une pièce donnant sur la rue avait été aménagée pour servir de librairie. Allisson avait dû rester chez elle, mais elle m'avait fait promettre de tout lui raconter et c'est ce que j'ai fait dès que je suis sorti de la boutique.

Le propriétaire, Aaron Styles, m'a raconté ce que j'ai ensuite appelé la " version occulte de la création du monde ", et m'a expliqué qu'il était un Observateur et ce qu'étaient un Observateur, une Tueuse, la différence entre les " bons " et les " mauvais " démons. J'ai eu l'impression qu'il parlait pendant des jours entiers, mais ça n'a pas pu durer beaucoup plus d'une heure.

Il venait de finir quand l'homme qui l'avait accompagné la veille, Mark Mahy, est entré dans la pièce sans frapper. Aaron m'avait expliqué qu'il était traducteur, et qu'ils se partageaient le travail. Aaron pouvait lire un certain nombre de langues démoniaques. Mark, lui, était spécialisé dans les anciennes langues européennes – un atout précieux quand il fallait traduire des parchemins anciens, m'a-t-il expliqué. Il avait des tas d'autres talents, comme je devais le découvrir au cours des semaines et des mois suivants.

Ce n'est que bien plus tard que j'ai eu la confirmation de ce que j'avais soupçonné ce jour-là, à savoir qu'ils étaient plus que des collègues ou des amis.

J'avais des tas de questions à leur poser, et je ne m'en suis pas privé. Ils avaient l'air de bien s'amuser devant l'interrogatoire en règle que je leur imposait, mais pas une seconde je n'ai cru qu'ils m'avaient menti sur l'existence des démons. En y réfléchissant, l'attaque de la veille n'était pas le premier événement bizarre auquel j'assistais. Et tout le monde savait que les enfants et les adolescents disparaissaient parfois sans laisser de trace dans cette ville. Personne n'en parlait, mais tout le monde était au courant.

De la même façon que deux adultes s'étaient détournés en voyant qu'il y avait un problème la veille, la quasi totalité de la population de la ville fermait les yeux sur tous les faits bizarres qui se passaient sous son nez.

Ce qui m'intriguait le plus, dans tout ça, c'était la raison pour laquelle ils me racontaient tout ça. Qu'est-ce que j'étais censé faire ? Me battre avec eux ? Je n'avais que seize ans. Faire comme si rien ne s'était passé ? Aucune chance que j'y arrive.

" On veut que tu sois sur tes gardes. Porte un crucifix. Ne sors pas la nuit si tu peux l'éviter. Sois prudent. "

Plus tard, Mark m'a avoué que lui et Aaron avaient eu plus d'une discussion sur ce point-là. Nous n'étions pas les premiers étudiants qu'ils aidaient, mais nous étions les premiers qu'ils mettaient au courant. Quand je lui ai demandé pourquoi, il m'a répondu que les autres n'avaient pas insisté quand Aaron leur avait raconté l'histoire du gang. Nous, si. Aaron avait eu l'impression qu'on le bombarderait de questions et qu'il valait mieux qu'on sache ce qui se passait, pour notre propre sécurité. Il ne s'attendait pas à ce qu'on forme une équipe, et il m'a avoué que s'ils avaient pu prévoir ça, ils auraient continué de mentir jusqu'à ce qu'on se lasse. C'était peu après ma sortie de l'hôpital, et je savais qu'ils s'en voulaient tous les deux, mais ils avaient eu raison de nous prévenir – on aurait cherché à savoir, avec ou sans eux.

Je suis ressorti de la maison deux heures après y être entré – j'avais acheté un livre à Aaron, puisque j'avais dit à mes parents que j'allais faire des courses à la sortie du lycée. Heureusement, Aaron vendait des livres " normaux " - en plus de ceux sur la magie, les sciences occultes, la démonologie, et d'autres dont je ne voulais pas savoir ce qu'ils contenaient.

J'ai raconté à Allisson tout ce que j'avais appris. Je m'attendais à moitié à ce qu'elle me rie au nez et me demande comment j'avais pu être assez naïf pour croire en tout ça. J'avais tort de m'en faire. " Ca explique pas mal de choses, " a-t-elle simplement dit. " Et maintenant, on fait quoi ? "

Je n'en savais rien, alors je lui ai dit qu'on se contenterait d'être plus prudents, et qu'on verrait ce qui se passerait.

Bien entendu, ça n'en est pas resté là. Quelques semaines plus tard, Allisson et moi avons rejoint trois de nos amis à la pizzeria où nous allions toujours. Quand on en est ressortis, on s'est fait attaquer par deux vampires – et pour la première fois, je me suis demandé comment j'avais pu vivre seize ans dans cette ville en ignorant complètement ce qui se passait. Il m'a fallu un moment, dans ma panique, pour me souvenir que j'avais une croix dans mon sac à dos. J'ai bien cru que je n'arriverais pas à la sortir à temps, mais je l'ai fait. Allisson avait fait pareil de son côté et à deux, on a fait bouclier devant les trois autres et on est tous rentrés dans la pizzeria. Le gérant a plaisanté, disant qu'il croyait pourtant qu'on avait assez mangé, et Allisson l'a regardé de haut en bas (Allisson est la seule personne que je connaissais qui, à quinze ans, était capable de regarder un adulte de haut) et lui a dit que deux types bizarres rodaient sur le parking. Le gérant a appelé la police et nous a offert un soda en attendant qu'ils arrivent.

Une fois qu'ils ont été sûrs qu'il était hors de portée de voix, les trois autres, qui nous avaient laissé prendre la direction des opérations, nous ont bombardés de questions. Allisson leur a raconté notre rencontre avec le " chien " et j'ai pris le relais pour leur résumer ma rencontre avec Aaron et Mark.

Quand j'ai eu fini de tout raconter, les autres sont restés silencieux un moment, puis Chris, qui avait toujours été le chef officieux de notre groupe, a décidé qu'il fallait qu'il parle aux deux hommes.

Je connaissais cette lueur dans leurs yeux, à tous. Ils cherchaient l'aventure, l'avaient toujours cherchée.

Quelque chose me disait que les ennuis ne faisaient que commencer, et à voir la tête d'Allisson, elle pensait la même chose.

 

*****

Los Angeles, appartement de Cordelia

 

Cordelia avala deux aspirines, puis revint dans le salon, où Gunn observait avec beaucoup d'amusement Wesley, qui avait ressorti tous ses livres de son sac et les recomptait, tâchant de voir s'il lui manquait un volume important.

" Tu réalises que Gunn reste ici et qu'on pourra toujours lui téléphoner ? " demanda Cordelia, un soupçon d'agacement dans la voix.

" Et si les renseignements dont on a besoin se trouvent dans un livre écrit dans une langue qu'il ne sait pas lire ? " rétorqua Wesley.

" Il pourra toujours dicter, non ? " demanda-t-elle.

Wesley prit un des livres et le lança à Gunn, l'air interrogatif. Gunn ouvrit le livre, fit une grimace et haussa les épaules. " Désolé. "

Cordelia leva les bras au ciel. " Wesley, on va rater l'avion. Grouille. "

Gunn ricana et annonça : " Je vais patrouiller. Amusez-vous bien sur la Côte Est. Celle où il neige à cette époque de l'année. "

Cordelia grogna. Elle adorait la Californie et ce n'était pas seulement à cause d'Hollywood. Pas seulement … Revenant à ses problèmes immédiats, elle se tourna vers Gunn. " Sois prudent. Avec Angel qui pête les plombs, tu n'auras personne pour te couvrir. "

" Je sais. Il exagère, Angel. C'est à lui que les visions sont destinées, et c'est nous qui passons notre temps à faire le ménage ! "

" On en a déjà parlé, " coupa Wesley. Cordelia faillit faire la grimace – il avait toujours l'air tellement … bizarre, quand il parlait d'Angel. Un mélange de colère, de trahison et de tristesse. Lui aussi avait trouvé une autre vie et une autre famille au service du vampire. Lui aussi avait vu sa deuxième chance lui être arrachée des mains quand Angel avait décidé de jouer les durs.

Elle ne l'admettrait jamais ouvertement, mais elle l'admirait. S'ils continuaient à se battre, tous les trois, c'est parce qu'il les guidait dans cette direction. Bien sûr, elle n'avait pas vraiment pas le choix – elle avait hérité des visions, elle ne pouvait pas s'en débarrasser, et les Puissances ne semblaient pas accorder beaucoup d'importance à la " crise " que traversait Angel.

Mais il est vrai que des innocents continuaient de mourir, et que ceux-là se moquaient bien des états d'âme de la bande.

" On a déjà essayé de contacter Angel pour les visions, " continua l'Anglais, " il n'a jamais répondu. C'est à nous de prendre la relève. "

" Je sais, c'est bon, t'excites pas, " répondit Gunn en levant les mains comme pour montrer à Wesley qu'il n'y était pour rien. " C'est juste que … Laisse tomber, c'est rien. Soyez prudents, vous aussi. "

" On le sera, " répondit Cordelia. " Si on part un jour. " Elle regarda sa montre, puis Wesley, qui semblait hésiter entre un vieux volume relié en cuir et un tout petit livre. Elle s'approcha résolument, empoigna le petit livre, le lança sur les autres et souleva le sac. " On y va, " ordonna-t-elle. " Maintenant. "

" Mais - " tenta de protester Wesley.

" Ils ont des librairies aussi à Washington. Et Internet. On y va. Gunn, reste près de ton téléphone, d'accord ? "

" Ouais, bien sûr, bon voyage. "

" Merci, " répondit Cordelia, traînant Wesley vers la porte. " On t'appelle dès qu'on en sait plus sur ce qui se passe. "

Elle n'entendit pas sa réponse.

 

*****

 

Washington, le même soir

 

Meghan savoura le reste de son café. Elle sentait les yeux de Scott posés sur elle. Il sautait sur tout ce qui bougeait, tant que c'était humain. La seule raison pour laquelle il n'avait pas essayé de l'inviter était qu'elle sortait déjà avec le chef de leur groupe, et qu'il en avait peur. A raison.

" T'en as refroidi un ? " demanda-t-il, tout excité.

" On ne 'refroidit' pas un vampire, Junior, " rétorqua-t-elle. " On les réduit en poussière, on les pulvérise, comme tu veux, mais les vampires sont déjà froids. "

" T'en as eu un, alors ? "

Elle soupira. Scott était nouveau dans leur groupe. Il essayait très fort d'avoir l'air blasé, mais il n'y arrivait vraiment pas très bien. Elle ne pouvait pas l'en blâmer, elle ne s'était jamais habituée à ce sentiment de triomphe qui accompagnait chaque sortie victorieuse. Les membres de l'équipe étaient très soudés. Se battre côte à côte créait des liens, c'était inévitable.

Leur chef sortit de son bureau.

" Tu es sûre qu'il n'avait rien de spécial ? " demanda-t-il à nouveau.

" Certaine. Kyle … C'était juste un vampire qui chassait. Il s'en est pris à un politicien, et alors ? La ville en est pleine, je te signale. "

Inutile de préciser si elle parlait des politiciens ou des vampires – on trouvait des deux en abondance à Washington, et à son humble avis, ils étaient tous aussi dangereux les uns que les autres.

" Oui, mais ils se cachent tous ces derniers temps, " fit remarquer Kyle.

" Il était peut-être nouveau en ville. "

" Peut-être. "

" Tu cherches trop. Laisse tomber et viens boire un café avec nous. "

" Non, j'ai encore quelques références à consulter. "

" Comme tu voudras, " soupira Meghan, avant de se tourner vers Scott. " Viens, on va s'entraîner un peu. "

Ils sortirent, laissant Kyle à ses recherches.

 

Troisième partie

 

" Wes, on est bons pour passer près de sept heures dans cet avion ! Tu pourrais m'en dire plus ! "

Wesley ferma les yeux : les interrogations constantes de son amie commençaient à lui donner mal à la tête, et il ne pourrait pas lui dire non beaucoup plus longtemps. Le bagou de Cordelia leur était très utile dans leur travail de détectives, elle pouvait faire parler n'importe qui à force d'insister, mais parfois, comme ce soir, ça lui était pénible.

" Très bien, " capitula-t-il, et le regard de triomphe de Cordelia ne lui échappa pas. " Après l'Ascension, j'ai plus ou moins traversé le pays. Je cherchais … Je ne suis pas sûr de ce que je cherchais. Quoi faire de ma vie, je suppose. "

Wesley s'interrompit. Il n'aimait pas beaucoup penser à cette période-là de sa vie. Il avait été tellement perdu, tellement peu sûr de lui. Il n'avait jamais réalisé avant ça à quel point il était dépendant du Conseil. Encore maintenant, en dépit du fait qu'il travaillait avec une équipe très soudée, il arrivait que le soutien fourni par le Conseil lui manque. A l'époque, il pouvait toujours demander à consulter leurs références si quelque chose le dépassait – encore que dans le cas du Maire, les dites références n'avaient pas vraiment été plus utiles que celles qu'il avait récoltées lui-même. Maintenant, la recherche dépendait quasi exclusivement de lui. Cordy aidait parfois, bien sûr, mais c'était lui qui devait trouver le plus d'ouvrages possible, et il vivait dans l'angoisse du jour où ses sources seraient insuffisantes.

Revenant au présent, il reprit : " Vers octobre, je me suis retrouvé à Washington. Un soir, j'étais dans un bar, en train de … euh … "

" Wes, ça va, tu peux me le dire que tu ne buvais pas une tisane. "

" Oui, enfin, Sam est arrivé. On s'est reconnu. On a discuté un peu, je crois bien que je lui ai raconté tous mes malheurs en - "

" Pleurnichant, " coupa Cordelia, un large sourire sur le visage. " Tu faisais ça sans arrêt à Sunnydale. Et au début, avec Angel et moi. "

Wesley fit une grimace. Avec le recul, il se demandait comment Angel avait pu l'engager. Lui-même se rendait compte qu'il était … casse-pieds, autant voir les choses en face.

" Mais tu ne le fais plus, maintenant, " s'empressa d'ajouter Cordelia, qui s'était aperçue qu'elle avait mis les pieds dans le plat.

Et ça aussi, Wesley s'en rendait compte. Il avait beaucoup changé.

" Bref. Il m'a ramené chez lui, il m'a écouté, et il a fait ce dont j'avais besoin : il m'a secoué. Ou plutôt, il m'a posé la question que je n'osais pas me poser : 'Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?'. C'est cette nuit-là que j'ai décidé de devenir un chasseur de démons féroces. "

" Il t'a aidé, et maintenant, il a des problèmes, " conclut Cordelia. " Mais je me demande toujours pourquoi les Puissances m'ont envoyé cette vision. C'est pas que je sois contre l'idée d'aider Angel à faire pénitence, mais en général, on reste à LA. "

" Je sais. Je ne comprends pas non plus. Je suppose qu'on comprendra quand on saura vraiment ce qui se passe. "

 

*****

 

Washington, appartement de Sam

(Mardi)

 

Sam se réveilla en sursaut, se demandant où il était, et pourquoi il avait mal partout. Puis la course poursuite avec la vampire lui revint.

Il se leva en grimaçant. Il avait oublié comment ce genre de course vous laissait avec des courbatures partout. Il avait beau faire autant de sport que son horaire le lui permettait, c'est-à-dire pas assez à son goût, il y avait une différence énorme entre courir quelques kilomètres pour s'entraîner et courir aussi vite que possible pour sauver sa vie. Il savait que sans la poussée d'adrénaline, il se serait effondré bien avant d'arriver au parc. Ça avait été bien assez juste à son goût. Si cette fille (Meghan, elle s'appelait Meghan) n'était pas intervenue …

Il se demanda si elle faisait partie d'un groupe de défense. Il savait que ces groupes s'organisaient dans presque toutes les villes. Personne n'en entendait parler, parce que ces groupes étaient bien obligés de rester discrets, mais ils existaient. Avec une seule Tueuse par génération, qui ne pouvait pas être partout à la fois, c'était une nécessité.

Il n'avait remarqué aucune activité surnaturelle à Washington, mais il est vrai qu'il sortait rarement ailleurs que dans des endroits surpeuplés, quand il avait la force de sortir.

Il vérifia l'heure. Si Wesley et son amie avaient pris l'avion la veille, ils arriveraient pendant la journée. Il lui faudrait donc attendre jusqu'au soir pour les rencontrer.

Il aurait ri des " visions " de la jeune fille s'il n'avait pas déjà vu son compte de choses bizarres. Et si le vampire n'avait pas dit : " Il te veut entier mais il m'a permis de goûter. "

Mais qui était ce " il " ?

 

*****

" Il qui ? "

" Chris … "

" Aaron, il faut qu'on sache. Comment tu veux qu'on se défende si on ne sait pas ce qui se passe ? "

" Ne sortez pas la nuit. "

" Et les laisser gagner ! "

Allisson et moi, on observait l'échange. Je regrettais parfois d'avoir mis les autres au courant. Chris avait pris la direction des opérations, comme toujours, et avait bombardé Aaron de questions. Puis, il avait annoncé qu'on allait éliminer les " suceurs de sang ", comme il les appelait, de la ville.

Plus facile à dire qu'à faire, mais Chris n'avait jamais douté de rien. Et bien entendu, Robbie et Ben ne demandaient qu'à suivre. Et … c'est vrai qu'à l'époque, je trouvais ça excitant. C'était un jeu, comme quand, quelques années plus tôt, on avait écumé le quartier tout un été, rejouant le débarquement. C'était eux contre nous, on était en guerre, et on était du côté des gentils. On ne pouvait pas perdre, parce que les gentils ne perdent jamais, et qu'à quinze ou seize ans, on ne meurt pas.

Allisson avait plus de doutes, mais elle faisait partie de la bande, et elle suivait le mouvement. Et il était très difficile de dire non à Chris. Il avait tout du futur amiral. Ou d'un Président.

Il me manque.

Je me suis souvent demandé ce qu'il serait devenu, jusqu'où il serait allé, si les choses avaient été différentes.

On est donc entrés dans la boutique, deux jours après qu'Aaron ait mis les trois autres au courant de ce qui se passait, et on les a entendus, lui et Mark, parler d'un vampire, nouveau en ville, qui avait fait plusieurs victimes chez les étudiants. Chris a décidé qu'on allait tuer ce vampire. Après tout, dans les films, ça a l'air facile. Un pieu, et le tour est joué.

Aaron a eu toutes les peines du monde à calmer ses ambitions. Ce jour-là, il nous a carrément mis à la porte. J'ai eu le temps d'entendre Mark lui dire : " Je t'avais dit de ne pas leur dire " avant que la porte ne se ferme.

Chris voulait absolument aller chasser les vampires ce soir-là. On l'adorait tous, et on se serrait jetés du haut d'un pont s'il nous l'avait demandé, mais même nous étions conscients qu'il avait un ego démesuré et qu'il avait tendance à sous-estimer les dangers et à foncer dedans tête baissée.

J'ai entrepris de le convaincre de ne pas partir en guerre tout de suite, pas avant d'en apprendre plus, et on est tombés d'accord pour se contenter d'un cinéma avant de rentrer sagement.

Il y a une question que je n'ai jamais cessé de me poser depuis cette époque : comment ai-je pu vivre seize ans sans me faire attaquer par un seul vampire et que du jour au lendemain, je ne puisse plus faire deux mètres sans en voir un ?

On est allés au cinéma, on a raccompagné Ally, puis nous nous sommes remis en route vers chez nous. Et bien entendu, nous nous sommes fait attaquer. Et ils étaient à plusieurs.

On était armés, et Chris avait été persuadé que c'était assez. Allisson et moi avions bien essayé de lui dire que ça ne suffirait pas, mais il était terriblement entêté, Chris …

On a quand même tenu bon quatre bonnes minutes, mais au bout d'un moment, on en a été réduits à courir. Vite. On voulait se réfugier chez Aaron, qui était sans doute parti patrouiller avec Mark à cette heure pour retrouver le vampire qui s'en prenait aux étudiants. La librairie était relativement près de l'endroit où on était, et surtout, ça nous éviterait de leur montrer où on habitait.

Ben, qui était encore plus maladroit que moi, est tombé au moment où on arrivait à la librairie. Chris a fait demi tour pour le relever, et un des vampires lui a foncé dessus, l'a attrapé, soulevé, et lancé contre le mur. L'os de son bras s'est cassé net, et on a entendu le bruit très nettement avant qu'il se mette à hurler.

Ben était toujours par terre, et je me suis mis devant lui, en brandissant une croix devant les vampires pour qu'ils ne s'approchent pas, avant de dire à Robbie d'aller enfoncer la porte de la librairie, ou de casser une fenêtre, ou de faire tout ce qu'il voulait pourvu qu'on entre. En espérant que le truc des vampires qu'on doit inviter pour qu'ils puissent entrer valait aussi dans la réalité, et pas seulement dans les livres d'épouvante. Je n'avais pas pensé à poser la question.

J'ai dû faire peur à Robbie parce que, pour une fois, il n'a pas discuté. Une chose rare. Je crois que c'était la deuxième fois qu'il ne protestait pas à une suggestion. La première, c'est quand Chris l'avait envoyé chercher les flics après que la bande de Bobby Zane nous ait coincés dans une ruelle, décidée à nous faire notre fête, quelques mois auparavant.

Je l'ai entendu lancer une pierre dans la fenêtre du rez-de-chaussée, pendant que Ben prenait une des croix qu'on transportait toujours sur nous et qu'on reculait vers Chris. Les vampires essayaient de nous encercler discrètement, il fallait qu'on fasse vite.

Robbie, qui avait des instincts de cambrioleur, s'est faufilé par la fenêtre (en récoltant quelques belles coupures au passage) et est allée déverrouiller la porte. Ben et moi avons relevé Chris, qui ne criait plus mais qui était à deux doigts de s'évanouir, et on a reculé vers la porte, dos au mur, nos croix brandies. Les vampires étaient furieux, mais ils n'arrivaient pas à s'approcher.

On est entrés, et l'un d'eux s'est jeté à l'intérieur, et a été repoussé comme si un champs de force avait été en place. Il nous a quand même fait peur et on est tombés, en entraînant Chris, qui est retombé sur son bras fracturé.

Robbie a claqué la porte, mais la fenêtre était cassée. On avait beau savoir que les vampires ne rentreraient pas par là, ça nous tapait sur les nerfs de les voir dehors, à portée de main.

Je ne sais plus qui a demandé ce qu'on allait faire, mais quand j'ai relevé les yeux, j'ai vu Ben et Robbie me regarder.

" Attendre. Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse ? "

Un des vampires a lancé une pierre par la fenêtre, et on a tous sursauté. J'ai proposé d'aller dans la pièce de derrière, pendant que Chris était dans les pommes, et on s'est mis en route.

Un bon quart d'heure après, Chris a commencé à émerger. J'avais envisagé de lui mettre une attelle, mais je ne savais pas comment m'y prendre, et la fracture n'avait pas l'air très nette. J'avais peur de faire encore plus de dégâts en y touchant. J'ai préféré ne rien faire. On l'a juste empêché de bouger son bras quand il s'est réveillé.

Nous avons passé la demi heure suivante à discuter de ce qu'on devait faire. Comme si nos options étaient illimitées. Nous n'avions pas le choix, il fallait attendre soit que le soleil se lève, soit (et on aimait moins cette solution-là) qu'Aaron et Mark reviennent. Ben a proposé d'appeler une ambulance, mais on a eu peur que les vampires s'attaquent aux secouristes, et on ne pouvait pas les prévenir.

Nous avons appelé nos parents pour leur dire qu'on passait la nuit les uns chez les autres, en espérant qu'ils ne se rencontreraient pas pour comparer nos histoires. Ça paraissait à le fois ridicule et réconfortant de se préoccuper de ce genre de détails alors qu'on était coincés dans une maison assiégée par les vampires.

On a fini par dormir à tour de rôle, et les vampires sont partis vers deux heures du matin. On n'a pas osé sortir, au cas où ça aurait été un piège, et on a continué d'attendre.

Nous étions tous endormis quand Aaron et Mark sont rentrés. Ils m'ont réveillé d'abord et je leur ai raconté l'histoire, après quoi ils ont réveillé les autres et nous ont conduits à l'hôpital.

Après que le médecin soit venu nous trouver pour nous expliquer que Chris avait besoin d'être opéré, on a téléphoné à nos parents. On n'avait pas le choix, il allait falloir leur dire une partie de la vérité.

Je crois que cette fois-là, on leur a dit qu'on avait menti pour pouvoir aller se balader plus tard que d'habitude, et qu'on s'était fait agresser. Aaron et Mark nous avaient trouvés et conduits à l'hôpital. On a gardé les détails aussi vagues que possible, et au mot " agression " ils ont arrêté de poser des questions et se sont mis à s'inquiéter.

On a été consignés chez nous, mais pas aussi longtemps que si Chris ne s'était pas retrouvé aux urgences. L'histoire a eu ça de bon que nos parents ne se sont plus inquiétés par la suite quand on leur disait qu'on allait voir Aaron. Ils l'avaient rencontré, ils savaient qu'il tenait une librairie, il avait l'air d'un citoyen tout à fait normal. Et qui s'était occupé de leurs enfants. Ça nous a été utile les années qui ont suivi. On avait cru que sa mésaventure servirait de leçon à Chris, mais bien entendu, ça n'a pas été le cas…

 

Quatrième partie

 

 

Appartement de Sam

Mardi soir

 

" Comment en es-tu venu à travailler pour un vampire ? " demanda Sam une fois de plus. Cordelia et Wesley venaient de passer une demi heure à lui expliquer tout ce qu'ils savaient sur Angel, les Puissances Supérieures, et la raison possible de la vision de Cordelia. Mais il ignorait toujours comment Wesley avait commencé à travailler avec un vampire.

" Un gentil vampire, " corrigea Cordelia, avant que Wesley ait eu le temps de répondre.

" D'accord, mais quand même … "

Wesley haussa les épaules. " Au départ, je me suis juste dit que j'allais lui donner un coup de main, comme ça, de temps en temps … Et puis, c'est devenu moins … euh … provisoire. "

" Tu es retourné là-bas directement ? " demanda Sam.

" Oh, je … écoute, je suis désolé d'être reparti comme je l'ai fait, sans rien dire, mais - "

" Laisse tomber. Je sais que ça ne devait pas être facile… J'aurais juste voulu aider plus. "

" Tu m'as aidé ! " s'exclama Wesley. " Ca m'a fait beaucoup de bien de parler à quelqu'un, et tu m'as aidé à trouver ce que je pouvais faire… "

" OK, " interrompit Cordelia, " Donc, tu es déprimé, tu retrouves Sam ici, vous buvez et vous faites ce que les mecs font quand ils veulent se remonter le moral - "

Elle s'interrompit en remarquant que les deux hommes la regardaient d'un air narquois. En réalisant ce qu'elle avait dit, elle s'empourpra. " Hey, j'y suis pour rien si vous avez l'esprit mal tourné ! "

Sam eut un léger rire avant de retourner au sujet de conversation. " Donc, quand tu es reparti … "

" J'avais décidé de chasser les démons, en solitaire, et je me suis mis au travail ici. Puis, j'en ai suivi un jusqu'à Phoenix et je l'ai éliminé. C'est là que j'ai entendu parler d'un Kungaï qui opérait là. Il mutilait ses victimes. Je l'ai suivi, et c'est comme ça que je suis arrivé à Los Angeles. "

" Et depuis, on fait équipe, " compléta Cordelia. Sam remarqua qu'elle lançait un regard en coin à Wesley et il conclut qu'il devait y avoir plus derrière cette histoire qu'aucun des deux ne le laissait entendre.

" Ce qui m'amène à la raison qui nous a fait venir ici, " acheva Wesley.

" La vision, " fit Sam, et ce n'était pas vraiment une question.

" Je vous voyais attaqué par un vampire devant la Maison Blanche, " expliqua Cordelia.

" Oh, oui, ça … " marmonna Sam.

" Quoi ? " demanda Wesley.

" Oh, c'est … Je me suis fait attaquer par un vampire, hier soir. "

" Vous êtes sûr ? " demanda Cordelia, troublée.

" Je ne pratique plus la chasse aux démons depuis longtemps, mais je sais encore en reconnaître un quand il s'apprête à me mordre, " rétorqua Sam.

" Tu l'as tué ? " demanda Wesley.

" Pas moi. Une femme. Je présume qu'elle faisait partie d'une équipe, un peu comme la vôtre. "

" Mais alors, pourquoi les Puissances nous ont-elles envoyés ici ? " demanda Cordelia. " Si le problème était déjà réglé … "

Sam hocha la tête, sceptique.

" Je n'étais pas devant la Maison Blanche, " fit-il remarquer. " Ou plus exactement, j'étais devant quand il m'est tombé dessus, mais quand il a vraiment essayé de me mordre, j'étais dans le parc. " Il fronça les sourcils. " Je suis un peu perdu – est-ce que ça compte, le fait que j'étais à proximité de l'endroit où vous m'avez vu, ou non ? "

" Difficile à dire, " répondit joyeusement Cordelia. " C'est amusant, d'être dans l'incertitude, n'est-ce pas ? Bienvenue dans notre monde. "

" Dans le doute, " intervint Wesley, " Je propose de considérer que le problème n'est pas réglé, et que ce ne sera pas la seule attaque. "

Sam hocha la tête sans cacher son manque d'enthousiasme à l'idée que l'attaque de la nuit passée ne serait sans doute pas la seule.

 " Il a dit quelque chose ? " demanda Wesley.

Sam soupira. Connaissant un peu Wesley, il savait que sa réponse allait le lancer dans une vague de recherche et de spéculations sans fin.

Il avait envie que rien de tout ça ne soit arrivé.

Ses deux invités le regardaient, impatients.

Il se décida. " Il a dit : 'Il te veut entier, mais il m'a permis de goûter.' "

 

*****

Meghan accueillit joyeusement Tania quand elle entra dans leur QG après sa patrouille. Les deux femmes s'étaient liées d'amitié dès leur première rencontre. Elles avaient des goûts étonnamment semblables, sauf en matière d'hommes – ce qui leur évitait bien des désagréments.

" Pas un seul vampire en vue. Ça devient vexant ! Quand je pense que tu en as eu un hier ! Tu crois que c'est parce que je ne suis pas blanche ? Ils sont peut-être racistes ? "

Meghan sourit. Leur compétition amicale faisait beaucoup jaser leurs collègues masculins.

" Non, je crois qu'ils ont peur. Mais de quoi… "

" Ouais. Je n'aime pas vraiment l'idée qu'on puisse faire peur à ces suceurs de sang, mais peut-être que - "

Scott entra dans la pièce avant qu'elle ait pu achever sa phrase. Il avait un œil au beurre noir (Meghan s'était laissée un peu emporter au cours de leur entraînement, la veille), et Tania le taquina. " Alors, tu te remets de ton entraînement ? "

Il grommela quelque chose d'incompréhensible et ressortit. Les deux femmes se regardèrent, amusées.

" Ah, l'ego masculin, " commenta Meghan.

*****

Après cette nuit chez Aaron, lui et Mark ont accepté de nous apprendre à nous défendre. Aaron avait mis au point un système de défense très personnel, un mélange hybride de kickboxing, de tae kwendo, de karaté et de kung fu. C'était assez bizarre à apprendre, mais ça marchait.

De nous tous, c'est Allisson et Chris qui se sont le plus amusés à apprendre à se battre. Les autres et moi le faisions parce qu'il fallait, mais nous n'aimions pas vraiment ça.

Ce qu'Aaron m'a appris de plus précieux, c'est comment rechercher des informations aussi précises que possible en très peu de temps. Dans les mois qui ont suivi, on s'est souvent partagé le travail de recherche. Il s'occupait de tous les livres qui n'étaient pas écrits en anglais, moi du reste. On formait une bonne équipe.

J'allais aussi avec les autres quand ils " partaient en guerre ", mais mon domaine, là où j'étais le meilleur, c'était la recherche.

Mark, lui, nous a appris à Robbie et moi à lancer quelques sorts simples – ceux qui sont à la portée de quiconque suit la recette à la lettre. Il disait que je n'étais pas assez puissant pour faire plus compliqué. Pas seul, en tout cas. C'est devenu le domaine de Robbie, quand il s'est rendu compte qu'il était excellent dans ce domaine.

Les rôles se sont distribués, sont restés, et on a eu quelques succès assez importants. On n'a jamais empêché une apocalypse, ou en tout cas je ne crois pas, mais les vampires de la ville évitaient de se frotter à nous.

Tous sauf un.

 

*****

Appartement de Sam

 

" Et donc, vous faisiez partie d'un groupe. Qu'est-ce que les autres sont devenus ? " demanda Cordelia.

Elle venait de passer une heure à aider Sam à préparer l'appartement pour elle et Wesley. Sam s'était abondamment excusé – la journée avait été longue, il n'avait pas eu une minute à lui. Elle lui avait demandé en quoi son travail consistait, et elle devait admettre que ça avait l'air … important. Peut-être pas autant que tuer des démons, pas pour elle, mais visiblement, tous ces gens dont Sam parlait voulaient vraiment aider les autres. Ça, elle le comprenait.

Elle jeta un regard à Sam. Il s'était figé, les yeux dans le vide. Elle le secoua doucement par l'épaule et il revint à la réalité. " Désolé. Ça ira, comme ça ? "

Cordelia était plus subtile ce que la plupart des gens croyaient. En tout cas maintenant – elle voulait bien admettre que ça n'avait pas toujours été le cas, mais elle avait changé. Elle se rendait compte que sa question avait rappelé à son hôte des choses qu'il aurait préféré oublier, et elle décida de ne pas insister. Se tournant vers lui, elle eut un large sourire. " Parfait. On va voir si Wesley a réussi à s'enterrer lui-même sous une pile de bouquins ? "

Sam eut un sourire bref et la suivit hors de la pièce.

 

Cinquième partie

 

Washington, appartement de Sam

Sam se redressa brusquement dans son lit, encore essoufflé après le cauchemar qu'il venait de faire.

Wesley entra dans sa chambre précipitamment, en allumant la lumière, et Sam réalisa qu'il avait dû crier plus fort qu'il n'avait cru.

" Ce n'est rien, " dit Sam avant que l'Anglais ait eut le temps d'ouvrir la bouche. " C'est rien. "

" Tu es sûr ? Parce que - "

" Ca va très bien, " coupa Sam d'un ton cassant, embarrassé d'avoir crié. " J'ai juste … Je vais très bien. "

Wesley hésita sur le pas de la porte, visiblement désireux d'insister.

" Wes … " commença Sam avant de s'interrompre, conscient que son ami allait l'interroger quoi qu'il fasse.

" C'est à cause de … ce qui s'est passé en Californie ? "

Sam faillit sourire. Insistant ou pas, Wesley n'avait pas oublié qu'il valait mieux éviter de prononcer le nom de CE vampire-là devant lui. Il devait encore se souvenir des discussions qu'ils avaient eu au cours de l'été qu'il avait passé à Londres.

" Oui. Et je n'ai vraiment pas envie d'en parler, " répondit-il.

" Sam … Je ne sais pas qui va s'en prendre à toi, mais on trouvera. Tu nous fais confiance ? "

Sam réfléchit une minute. Est-ce qu'il leur faisait confiance ? Toute cette situation était complètement folle, mais est-ce que sa vie n'avait pas ressemblé à ça pendant des années ? Le fait qu'il ait tourné le dos à la situation n'avait pas fait disparaître ses souvenirs. Et son amitié avec Wesley, même s'ils s'étaient perdus de vue, était bien réelle.

" Je vous fais confiance, " dit-il doucement. " Mais j'aurais préféré que rien de tout ça n'arrive. "

" Un sentiment que je partage entièrement, " répondit Wesley. " Je suis content de te revoir, mais j'aurais préféré que ce ne soit pas dans des circonstances pareilles. "

Sam sourit et jeta un coup d'œil à son réveil. Il soupira. Trois heures du matin. Il se connaissait, il n'arriverait pas à se rendormir. Il n'arrivait jamais à se rendormir après un de ces cauchemars. En général, il allait faire un jogging pour essayer de se détendre un peu, mais c'était exclu cette nuit.

Wesley n'était pas encore reparti et il eut un sourire en coin. " Alors, qu'est-ce que je peux faire pour t'aider dans tes recherches ? " demanda-t-il.

*****

" Aaron, c'est sérieux, je veux aider ! "

" Sam, ce ne sont vraiment pas des livres que tu devrais lire. Pas si tu veux continuer à dormir la nuit. "

Aaron avait la voix de quelqu'un qui a été harcelé pendant des heures par un adolescent très déterminé à faire sa part dans la lutte contre les ténèbres. C'était ce qui s'était passé bien sûr. Quand j'avais une idée dans la tête, à l'époque, peu de personnes savaient me dire non. Je me rendais bien compte qu'il voulait sincèrement me protéger. Il connaissait mes parents, il connaissait d'ailleurs les parents de tous les membres de l'équipe, et il avait peur d'avoir à leur annoncer un jour que quelque chose était arrivé à l'un d'entre nous.

Un soir où il croyait que j'étais endormi, il avait dit à Mark que si quelque chose nous arrivait, il n'aurait jamais la force de regarder nos parents en face pour leur annoncer la mauvaise nouvelle.

Je ne lui ai jamais dit que je l'avais entendu, mais quelques jours plus tard, je me suis débrouillé pour amener la conversation sur le sujet. Deux de nos amis avaient été transformés en vampires quelques mois auparavant, et nous avions dû les éliminer. Leurs parents ne savaient rien. Ils appelaient encore chez nous fréquemment pour savoir si nous avions des nouvelles d'eux, ils harcelaient la police, ils plaçaient des affiches dans les rues. Ils venaient à la maison parfois, et je devais toujours faire des efforts énormes pour les regarder en face. Ils étaient anéantis, et le fait de ne pas savoir ce qui était arrivé à leurs enfants rendait les choses encore plus difficiles pour eux. Je savais qu'ils passeraient leur vie à se demander s'ils s'étaient enfuis, et pourquoi, ou s'ils avaient été enlevés, et par qui, et ce qu'on leur avait fait, et s'ils étaient toujours en vie. J'ai demandé aux autres si on ne pouvait vraiment pas leur dire ce qui était arrivé, mais tout le monde a conclu que les risques étaient trop grands.

Ne rien pouvoir dire à ces gens était assez dur. Mais l'idée que mes parents pourraient avoir à endurer la même chose si quelque chose m'arrivait …

J'ai demandé à Aaron de me promettre de tout raconter à mes parents si je disparaissais. Je ne voulais pas qu'ils soient condamnés à passer le reste de leur vie à m'attendre. Je voulais qu'ils soient capables de continuer à vivre. J'ai aussi donné à Aaron une lettre que j'avais préparée pour eux si le pire arrivait, où je racontais tout et leur demandait de ne pas en vouloir à Aaron ou aux autres.

Il a fallu discuter longtemps, mais il a fini par accepter. Il a bougonné, disant que rien n'allait m'arriver – il s'inquiétait plus pour les autres, ils prenaient plus de risques que moi, ils fonçaient plus dans les ennuis. Moi, j'étais le bras droit d'Aaron, je m'occupais de la recherche. Tout le monde était sûr que j'étais plus en sécurité comme ça.

Tout le monde avait tort.

 

*****

Wesley observait Sam aussi discrètement que possible. Son ami avait l'air épuisé. Il leur avait expliqué plus tôt dans la soirée que les semaines précédant l'état de l'Union étaient les plus fatigantes et les plus stressantes de l'année. Entre les réunions, le discours lui-même à écrire en essayant de faire passer des idées sans vexer personnes, et son chef qui poussait des hurlements à intervalles réguliers, il était épuisé.

C'était un monde que Wesley se représentait mal. Il n'avait jamais rien connu d'autre que la chasse aux vampires, et il était toujours étonné quand il rencontrait quelqu'un qui vivait une vie " normale ". Puis il sourit en réalisant que Sam ne considérait sans doute pas sa vie comme normale. Après tout, il travaillait pour le Président. Celui des Etats-Unis. Autant dire le maître du monde - même si ça blessait ses propres sentiments patriotiques. Il vivait peut-être ici mais ses racines étaient en Angleterre. Et après tout, comme il se le répétait souvent, l'Angleterre avait été le centre du monde, et il n'y avait pas si longtemps que ça.

Pour se changer les idées, et parce que le silence se prolongeait, il essaya de relancer la conversation.

" Alors, tes collègues ne savent rien de ta vie passée ? "

" Non. Bien sûr que non. Je me suis parfois demandé si l'un d'eux … savait, mais c'est délicat de poser la question. Et puis j'essayais d'oublier tout ça, alors… "

Wesley pouffa. " Peut-être que certains d'entre eux … " dit-il d'un ton rêveur avant de s'interrompre, " mais tu as raison, c'est impossible de savoir. "

Mais maintenant qu'il y pensait, Wesley ne pouvait pas s'empêcher de trouver l'idée fascinante. En fait, le Président était peut-être au courant. Dans les contacts qu'il avait avec Giles (sauf en cas d'urgence, ils se parlaient une fois par mois, pour " comparer leurs notes "), son ancien collègue lui avait parlé des démêlés de la bande de Sunnydale avec l'Initiative – une organisation militaire. Giles n'avait pas eu l'air de savoir jusqu'où l'opération remontait, mais il n'était pas invraisemblable de penser que le Président était au courant de ce genre de " projets ". Mais il était aussi possible qu'il n'en sache rien, qu'un groupe indépendant ait été à la tête de ce projet. Ils ne le sauraient sans doute jamais.

L'Initiative avait beaucoup intéressé Wesley quand il avait appris son existence. Il était accoutumé à l'idée que des groupes de civils prenaient les armes et se défendaient. Après tout, la Tueuse ne pouvait pas être partout où on avait besoin d'elle. Les Puissances l'envoyaient où Elles pensaient qu'elle serait la plus utile, mais un choix devait être fait. Malgré tout, autant qu'il sache, ça devait être la première fois qu'un groupe gouvernemental, officiel, se mêlait à ça.

A moins qu'il y en ait eu d'autres qui avaient été particulièrement discrets, bien sûr, mais Wesley en doutait. Il reconnaissait volontiers que le Conseil avait ses défauts, mais il était persuadé qu'ils en auraient entendu parler. Ils avaient des agents un peu partout, et la plupart d'entre eux étaient suffisamment discrets et bien formés pour éviter de se faire repérer. Ils l'auraient forcément su.

Il allait faire part de ses réflexions à Sam quand il remarqua que le jeune homme s'était endormi sur le livre qu'il avait entamé.

Il sourit brièvement et retourna à ses recherches en silence.

 

Sixième partie

 

 

Washington, appartement de Sam

Mercredi

 

La première chose que Sam entendit en se réveillant fut le bruit des voix étouffées discutant derrière lui. Il lui fallut un moment pour réaliser ce qui se passait, puis la mémoire lui revint. Il avait commencé à aider Wesley dans sa recherche, et il s'était rendormi. Il entrouvrit les yeux et s'aperçut qu'il faisait jour. " Si j'avais su que tout ce qu'il me fallait pour vaincre mes insomnies était d'étudier des textes anciens… " pensa-t-il.

" Tais-toi, tu vas le réveiller, " chuchota Wesley derrière lui. Sam referma les yeux immédiatement, se sentant coupable d'écouter la conversation mais incapable de résister.

" Je voulais juste dire que je m'attendais à ce qu'il soit plus … "

" Plus quoi ? Cordelia, ce n'est pas la première fois qu'on aide quelqu'un qui ne s'intéresse pas au surnaturel ! "

" C'est différent. Lui s'y est intéressé. Je ne vois pas comment on peut reprendre une vie normale après avoir vécu dans ce monde-ci. "

" Combien de temps est-ce que tu as mis à aider Buffy après avoir appris que les vampires existaient ? "

" Ca n'avait rien à voir ! "

" Bien sûr que si ! Chacun est libre de faire son choix, Cordelia. Et puis … Tu a vécu à Sunnydale, tu vis à Los Angeles. La vie là-bas est dure. Il a été … Cordelia, crois-moi, ce n'est ni un lâche, ni quelqu'un d'indifférent. "

" Alors pourquoi est-ce qu'il n'a pas continué ? Je me doute qu'il a eu des moments difficiles, mais, hey, nous aussi, et on n'a pas arrêté pour autant. On est prêts à risquer nos vies pour lui alors qu'on ne le connaît pas si bien que ça, on passe nos vies à ça, au détriment de tout le reste, et lui, si j'ai bien compris, après avoir consacré une ou deux années de sa vie à la chasse aux démons, il a continué à vivre sa vie, et pour ce qu'on en sait, il a regardé ailleurs quand quelqu'un avait besoin d'aide. Je me demande pourquoi les Puissances - "

Sam décida qu'il en avait entendu assez, et se leva brusquement. Cordelia s'empourpra violemment et demanda, nerveusement : " Vous avez tout entendu ? "

" J'en ai entendu assez, " rétorqua-t-il. " Vous savez quoi ? Je ne vous ai rien demandé ! Si vous voulez partir, ne vous gênez pas. Mais ne venez pas me dire que je me cache, ou que je devrais vous aider. Je vivais là dedans quand vous ne saviez pas encore marcher ! Je suis mort à seize ans " pour la cause ", alors ne venez pas me dire ce que je dois faire de ma vie. J'ai fait ma part ! "

Wesley et Cordelia le regardaient, interloqués. Sans leur prêter attention, il se dirigea vers la salle de bain et en claqua la porte. Ce n'est qu'une fois sous la douche qu'il se rendit compte qu'il tremblait tellement qu'il avait du mal à attraper la bouteille de shampooing.

" Bon sang ", souffla-t-il.

*****

Le vampire qui venait d'élire domicile à Los Angeles, Cicero, était vieux. Même si on se basait sur les standards des vampires, il avait vu du pays. Et il était vicieux, cruel, sans pitié, même pour ses alliés.

Découvrir la raison de sa venue en Californie a été notre premier problème. Personne ne voulait parler. Nos sources habituelles voulaient bien nous confirmer qu'il se déplaçait avec sa " femme ", qu'ils étaient cinglés, et que parce qu'ils étaient cinglés, personne ne nous aiderait. Même Chris, qui était pourtant très fort pour faire parler les démons " bas de gamme " qui nous renseignaient en général n'a rien pu obtenir de plus.

De notre côté, Aaron et moi épluchions les volumes les plus anciens qu'il avait pu trouver. Sans grand succès non plus. Notre nouvel ennemi n'avait pas survécu aussi longtemps en attirant l'attention sur lui. Apparemment, pour une fois, il s'agissait d'un vampire extrêmement puissant mais qui ne visait pas l'extermination de la race humaine. Une rareté. Il se contentait de se nourrir, il s'amusait en torturant ses ennemis, ceux qui l'avaient trahi, ou parfois certaines de ses victimes. Pas vraiment un philanthrope, mais pas un fou furieux désireux de déclencher l'apocalypse non plus. Du moins c'est ce qu'on croyait.

Il était de toute façon hors de question qu'on le laisse se balader en ville. Discret ou non, il tuait des humains. Au bout de cinq jours de recherches non concluantes, Chris a décidé qu'il fallait s'attaquer à lui. " Ce n'est qu'un vampire comme les autres, on le trouve, on le décapite et le tour est joué, " ce sont ses mots exacts. Lui et le reste de la bande se sont mis à sa recherche, et j'ai continué à fouiller les livres d' Aaron pour voir si je pouvais trouver quelque chose.

Ils ne l'ont pas trouvé la première nuit, mais ils ont continué de chercher. Je les ai accompagnés une ou deux fois, et on a éliminé quelques vampires dans la foulée. On essayait toujours de leur demander s'ils travaillaient pour lui ou non, mais on devait parfois les tuer avant d'avoir pu poser la question. Deux d'entre eux ont reconnu qu'ils chassaient pour Cicero mais ils ont refusé d'en dire plus.

Deux semaines après son installation en ville , on n'était toujours pas plus près de le retrouver. C'est à ce moment-là qu'un des disciples de Cicero a retourné sa veste et est venu nous dire où son maître se cachait. Il a prétexté que son " patron " avait décidé d'appeler un démon dans notre dimension, démon qui lui laisserait la vie sauve mais qui éliminerait ses rivaux. Cicero voulait être le seul vampire à régner sur LA.

On aurait dû voir venir le piège de très loin, mais ça faisait tellement longtemps qu'il nous échappait qu'on a sauté sur l'occasion, d'autant que s'il réussissait vraiment à lever un démon, on ne pouvait pas être sûr que le démon ne s'en prendrait pas aux humains. Aaron et Mark étaient allés à San Fransisco aider un de leurs amis communs. Ils étaient censés rentrer le lendemain. Malheureusement, la cérémonie était prévue pour la nuit précédant leur retour. Chris, Ben, Ally et Robbie se sont mis en route pour l'adresse que nous avait donnée le vampire et je suis resté chez Aaron pour essayer de déterminer quel démon il allait appeler et comment réussir à le vaincre s'il réussissait.

Deux heures après le départ des autres, j'ai entendu les vitres de la pièce de devant exploser. Quand j'ai ouvert la porte qui séparait les deux pièces pour voir ce qui se passait, la pièce de devant était en feu. La sortie donnant sur la rue était déjà inaccessible, et j'ai été obligé de sortir par derrière. J'ai encore entendu des bruits de verre brisé (les fenêtres de l'étage que les vampires cassaient). J'ai su plus tard qu'ils s'étaient contentés de lancer des flèches enflammées à travers. Un peu de magie a aidé le feu à se propager plus vite.

Quand je suis sorti dans la cour de derrière, Cicero s'y trouvait. Je ne l'avais jamais vu, mais j'ai su immédiatement que c'était lui. Impossible de s'y tromper, les vampires les plus anciens ont quelque chose de différent. Je n'ai jamais su si c'était leur façon de se tenir, comme si le reste du monde devrait se prosterner devant eux, leur arrogance, ou juste le fait qu'ils ont l'air … ancien. Quoi qu'il en soit, le vampire en face de moi n'avait pas besoin de se présenter. Mais il l'a fait quand même.

" Cicero. Je crois que vous et vos amis me cherchiez. "

Il avait ce sourire qu'ont les gens qui savent qu'ils ont le dessus, et soudain, j'ai réalisé que le reste de la bande était à sa poursuite. Comme s'il avait lu dans mes pensées, il a expliqué : " Ils ont rencontré quelques uns de mes fidèles. Voyez-vous, je ne demande pas grand chose de la vie. Juste un peu de tranquillité, le droit de m'installer où j'en ai envie, de m'amuser un peu avec ma femme. Les autres petits malins que j'avais rencontrés avant l'avaient compris, eux. Ils me laissaient tranquille. Mais c'était trop vous demander, je suppose. "

Son visage a changé à ce moment-là, et il m'a frappé, tellement fort que je me suis retrouvé par terre avant d'avoir réalisé ce qui se passait.

" Aaron et son ami, tous ces Observateurs qui s'imaginent détenir toutes les réponses. Je leur ferai payer ! "

*****

Sam avait fait couler l'eau aussi chaude qu'il pouvait la supporter, mais il n'arrivait pas à se réchauffer. Il n'avait même jamais eu aussi froid de sa vie. Ou plutôt si, une seule fois. Cette nuit-là.

Des coups frappés à la porte le firent sursauter.

" Sam, si tu ne réponds pas, je te jure que j'entre. "

Wesley. Et il avait l'air inquiet.

" Ca va, " cria-t-il.

" Tu es sûr ?"

Sam ferma les yeux et fit un effort pour se rappeler que son ami était juste inquiet, et que lui crier dessus n'allait pas le rassurer.

" Certain ! "

" D'accord. "

Sam augmenta encore la température de l'eau.

 

*****

Je ne me souviens pas de grand chose après être sorti de la maison en feu, et je n'ai jamais pu décider si c'était une bonne chose ou non.

Ce dont je me souviens, c'est de m'être réveillé en recrachant de l'eau, et d'avoir entendu Aaron me dire que tout allait bien, que c'était fini, que les secours arrivaient. J'aurais dû être rassuré, mais il avait l'air d'être au bord de la panique lui-même, et Aaron était la personne la plus calme que j'ai jamais connue. J'ai essayé de me redresser, mais je n'ai pas été très loin. J'étais dans la rue devant la maison, qui flambait toujours. J'avais mal partout, et j'avais froid. J'ai du dire quelque chose sans m'en rendre compte parce que Mark est apparu dans mon champs de vision et a mis sa veste sur moi. Il s'est mis à parler à Aaron et j'ai renoncé à les écouter.

Je ne me souviens du reste de la nuit et de la journée suivante que par flashes. L'ambulance, Aaron refusant de me laisser aux urgences, le médecin me demandant mon nom, mes parents en train de pleurer dans ma chambre, Ben en train de parler à Aaron, assis dans un fauteuil roulant, une jambe dans le plâtre.

Je n'ai vraiment émergé qu'une trentaine d'heures plus tard. Chris et Aaron étaient là. J'ai regardé autour de moi, mais mes parents n'étaient pas dans la pièce. Aaron a dû se rendre compte que je les cherchais. " Ils sont partis il y a quelques minutes, ils sont à la cafétéria de l'hôpital. Je vais les chercher ? "

Je n'étais pas sûr d'être prêt à les voir, pas avant de savoir ce qui s'était passé. Chris était couvert de bleus, il avait une attelle autour du poignet et à voir la façon dont il était assis, tout raide sur sa chaise, il devait avoir les côtes bandées. Il a vu que je le regardais et il a fait la grimace. " Ca a été coton à expliquer aux parents. "

J'avais des dizaines de questions à poser, mais Aaron m'a aidé à boire quelque chose et m'a dit qu'il allait d'abord me raconter ce qui s'était passé avant que je pose mes questions.

Mark et lui étaient rentrés plus tôt que prévu. Ils étaient arrivés à la librairie et l'avaient trouvée en train de brûler. Il n'y avait déjà plus de vampires dans la rue, ils ont cru que c'était accidentel. Ils ont fait le tour de la maison, ils avaient peur que l'un de nous ait été là. Ils n'avaient vu personne dans la cour et ils allaient repartir quand Mark m'a repéré dans la piscine. Quand ils m'en ont sorti, ils ont vu tout de suite que je ne respirais plus. Ils m'ont vite ramené dans la rue, ils ne voulaient pas essayer de s'occuper de moi dans la cour enfumée.

Aaron est resté vague sur les détails. Il ne m'a pas dit tout de suite que mon cœur ne battait plus, et qu'il leur avait fallu près de dix minutes pour me ranimer. Il ne m'a pas dit non plus à quel point tout le monde avait eu peur que le manque d'oxygène ait des conséquences durables – ça je ne l'ai compris que le lendemain, quand un neurochirurgien est venu me poser tout un tas de questions pour tester ma mémoire, puis m'a fait dessiner, pour voir si mes perceptions étaient restées intactes. Lui aussi a évité de répondre à mes questions, d'ailleurs.

C'est une des raisons pour lesquelles j'ai pris les hôpitaux en grippe. Tous ces médecins et ces infirmières qui répondaient à mes questions en me disant que tout allait bien et qu'il fallait que je me repose, comme si j'étais trop idiot pour comprendre ce qui m'arrivait, comme si je n'étais pas capable d'accepter ce qui était arrivé. Je n'avais pas le choix, de toute façon …

*****

Sam sortit de la douche. Il commençait à se calmer. Il s'habilla rapidement et alla rejoindre Wesley et Cordelia au salon. La jeune fille se mit debout dès qu'elle le vit. " Je suis désolée -" commença-t-elle, mais Sam la coupa.

" N'en parlons plus. Et moi aussi, je suis désolé. "

Il le pensait. Après tout, la jeune fille n'avait rien dit de particulièrement méchant. Et rien qu'il ne se soit pas dit à lui-même un nombre incalculable de fois.

La jeune fille n'avait pas l'air de se sentir mieux et il insista. " Je vous suis très reconnaissant de ce que vous faites. Vraiment. " Puis il ajouta, pour détendre l'atmosphère : " Et je vous suis reconnaissant d'affronter le froid de la Côte Est pour m'aider. Je suis de Californie, je sais ce que c'est. J'apprécie. "

Cordelia sourit et il se sentit un peu mieux. Il avait toujours eu horreur de blesser les autres, surtout quand ils ne lui avaient rien fait et essayaient de l'aider.

Wesley le regardait, d'un air dubitatif, et Sam comprit que l'Anglais se rappelait leurs conversations cet été-là. Mais au lieu d'insister, Wes demanda simplement : " Tu dois aller travailler, je suppose ? "

" Je suis déjà en retard, même, " confirma-t-il, essayant d'éviter de penser à Toby, qui devait sûrement être en train de hurler sur quiconque passait dans sa ligne de tir en ce moment.

" OK. On va rester ici et continuer les recherches. Tu as Internet ? "

" Bien sûr ! Il n'y a pas de mot de passe, allez-y. "

" Super ! La recherche, ça s'est sans danger, " lança Cordelia.

Sam se retint de faire la grimace et se contenta de sourire. Il lança un vague " A tout à l'heure " et sortit précipitamment.

La journée promettait d'être longue.

*****

Ce n'est que plusieurs jours après ma sortie de l'hôpital que Chris est passé chez moi et m'a emmené faire un tour. Ma mère a été difficile à convaincre, elle avait peur de me laisser seul, mais elle a fini par accepter, à condition qu'on ne s'éloigne pas.

On est allés sur la plage, et Chris m'a donné tous les détails qui me manquaient. Il était sans doute le seul à se rendre compte que le fait de ne pas savoir exactement à quoi j'avais échappé me faisait plus peur que des réponses claires et définitives. De toute façon, il me suffisait de voir comment mes parents me regardaient pour me rendre compte que ça avait été sérieux.

Il m'a raconté sa partie de l'histoire. La nuit où j'avais repris connaissance à l'hôpital, je m'étais rendormi avant qu'il ait eu le temps de le faire, et après mes parents ne m'avaient plus quitté une minute.

Lui et les autres étaient arrivés à l'entrepôt servant de QG à Cicero. Ils étaient entrés, sans voir personne, ils avaient avancé et au moment où ils avaient réalisé que c'était un piège, les portes avaient claqué derrière eux. Ils étaient encerclés par les vampires. " On ne pouvait pas sortir, on n'avait plus qu'à se battre ", a-t-il conclu. Il n'est pas entré dans les détails, mais je sais que cette nuit-là a été dure pour eux aussi. Ils ont tous fini à l'hôpital, pour des coupures, contusions, fractures diverses.

Chris attendait ses parents dans la salle d'attente quand ils m'ont amené. Il a d'abord entendu Aaron leur crier d'y aller doucement, et il a suivi le mouvement. " Je ne l'avais jamais vu comme ça. Il était blanc comme un linge, il te tenait la main, il a fallu qu'un médecin le force à te lâcher. Ils ont voulu le faire sortir, mais … " Chris s'est interrompu et m'a regardé d'un air inquiet, et quelque chose m'est revenu en mémoire. Un bip insistant, des voix paniquées …

" Mon cœur s'est arrêté. "

Il a eu l'air horrifié. " Tu t'en souviens ? "

" Pas vraiment. "

J'avais l'impression que ma voix venait de très loin, comme si je l'entendais du bout d'un tunnel. C'est quand Chris m'a attrapé le bras et s'est mis à me secouer que je me suis rendu compte que j'avais failli tomber dans les pommes. Quand je me suis senti mieux, je lui ai demandé de continuer, mais il hésitait. " Si t'as pas envie de savoir … "

" Il faut que je sache ! "

" Les médecins l'ont fichu à la porte, et ils ont utilisé ces trucs pour … "

Je l'ai interrompu. " OK. "

" Tu veux que … "

" Continue. "

" Aaron et moi, on est restés juste hors de la salle. Robbie nous a rejoints et on est tous restés là. Tu t'es réveillé, les médecins te posaient des questions mais t'avais pas l'air de les entendre. T'avais l'air d'avoir mal. "

Il m'a regardé pour voir si je n'allais pas de nouveau avoir un flash back, mais c'était le trou noir sur cette partie-là.

" Un médecin nous a vus et il nous a demandé de partir. On est allés dans la salle d'attente, et Aaron a appelé tes parents. On a mis une histoire au point en les attendant. "

L'histoire, je la connaissais déjà. Moi, j'étais allé chez Aaron pour travailler au calme sur mes examens, les autres avaient décidé d'aller se balader, ils étaient entrés dans un entrepôt " pour jouer " et ils étaient tombés sur plusieurs jeunes qui les avaient agressés. Les parents ont été sceptiques, mais comme personne n'est revenu sur sa version des faits, ils n'ont pu que faire semblant de nous croire. Vu les conséquences, de toute façon, ils pouvaient difficilement faire autre chose que nous ordonner d'être plus prudents une prochaine fois.

 

*****

Se rendant enfin compte qu'il était assis dans sa voiture depuis cinq minutes et qu'il n'avait toujours pas démarré, Sam se secoua et se mit en route, se préparant comme il pouvait à affronter son chef.

 

Septième partie

 

Maison Blanche

 

" Sam, tu m'écoutes ? "

Sam sursauta et regarda Toby, qui le fixait d'un air désapprobateur. Il avait encore déconnecté de la conversation, apparemment.

" Bien sûr, " répondit-il innocemment.

" Bon, alors qu'est-ce que je viens de dire ? "

Sam réfléchit, espérant encore avoir enregistré une partie de ce qui se passait. Peine perdue. Il adressa un sourire d'excuse à son chef, qui soupira.

" C'est la troisième fois aujourd'hui ! Je te signale que les heures passent, et que ce n'est pas n'importe quel discours, alors je ne sais pas ce qui te tracasse, mais dépêche-toi de régler ça. "

Il sortit sans attendre de réponse, et Sam fixa son ordinateur. Il ne demandait qu'à " régler ça ", mais comment ?

Et puis, autant le reconnaître, une partie de ses problèmes venait de Toby. Toby et sa petite manœuvre au cours du discours sur l'environnement. Toby, qui lui avait planté un couteau dans le dos sans raison aucune, si ce n'est peut-être qu'il n'avait pas eu envie d'entendre ce que Sam avait à dire.

Il avait beau s'en vouloir de toujours penser à cette histoire, de ne pas arriver à passer à la chose suivante, il ne pouvait pas s'en empêcher.

Il avait cru que son chef et lui avaient dépassé leurs différences initiales. Il avait cru qu'ils étaient amis. Et maintenant, il avait peur de s'être trompé.

Et ça non plus, il ne savait pas comment le régler.

 

*****

Après notre rencontre avec Cicero, on a arrêté de se voir aussi souvent, pour un temps. Nos parents nous voulaient à la maison, ils s'inquiétaient quand on était dehors trop longtemps, et les examens approchaient. Chris, Ally et moi étions encore dans la moyenne, mais les autres étaient dépassés. La chasse aux monstres a tendance à vous faire réévaluer vos priorités, mais allez expliquer ça aux parents…

L'été est arrivé, et étant des enfants de familles riches, on a suivi nos familles en vacances. Dans mon cas, l'Angleterre, où j'ai rencontré Wesley et ses amis. Deux mois assez … particuliers, c'est le moins qu'on puisse dire. Je faisais des cauchemars toutes les nuits (sans rien dire à mes parents, qui commençaient enfin à se détendre et que je ne voulais pas inquiéter), mais impossible de me rappeler ce qui s'était passé dans la cour d'Aaron. Je me demandais régulièrement si c'était une bonne chose ou non.

Probablement.

J'ai fini par raconter à Wesley ce qui s'était passé. J'étais épuisé, je ne dormais pratiquement plus, et je ne pouvais pas en parler aux parents. Je ne connaissais pas très bien Wesley, mais d'un certain côté, ça avait des avantages. Dans le pire des cas, je quittais Londres quelques semaines plus tard et je ne le reverrais plus jamais. Je pouvais m'embarrasser devant lui, quelle importance ?

Il m'a écouté en silence. Ça a toujours été une de ses grandes qualités, il sait écouter. Quand j'ai eu fini, il m'a demandé si je me souvenais de quoi que ce soit pendant que j'étais mort. Ce n'était pas le cas. Je me souvenais d'avoir eu froid, je me souvenais qu'il faisait noir. Rien d'autre.

Il a eu l'air perturbé et j'en ai conclu qu'il était catholique et qu'il aurait préféré un discours du genre lumière – tunnel, mais ce n'est pas ce qui c'était passé.

Il a été incroyable. Devant son ami, il se conduisait un peu comme Chris avec nous, il n'avait jamais l'air de prendre quoi que ce soit au sérieux, mais " en privé ", il avait une maturité que Pete ou les autres membres de mon groupe n'avaient pas.

Je me suis senti mieux après cette discussion. Pas beaucoup, mais suffisamment pour oser dormir.

 

*****

" Wesley, tu es sûr qu'on devrait être là ? "

Non, il n'en était pas sûr. Mais si le vampire qui s'en était pris à Sam travaillait pour un autre, il y avait de fortes chances pour qu'il y ait encore d'autres attaques. Il n'avait pas l'intention de prendre le moindre risque.

Ils étaient à proximité de la Maison Blanche mais pas trop près, parce qu'il n'avait pas envie d'expliquer aux Services Secrets que la hache et les pieux qu'il transportait n'étaient pas destinés à assassiner le Président. Toute une vie dans cet univers lui avait appris à ne donner d'explications qu'en cas d'absolue nécessité.

Sam sortit et se dirigea vers sa voiture, puis les aperçut. Même de loin, ils le virent lever les yeux au ciel.

" Je vous avais dit que je n'ai pas besoin d'escorte, pourtant, " dit-il de loin.

" On est là pour jouer les garde du corps, " rétorqua Cordelia, presque joyeusement. " On ne sait pas faire ça à l'appartement. "

Sam les rejoignit et ils se mirent en route pour chez lui.

C'est en arrivant devant son immeuble que les choses commencèrent à se gâter. Wesley avait eu l'impression d'être observé une grande partie de la journée, mais sans jamais pouvoir prendre quelqu'un sur le fait. Dans le doute, et parce qu'il avait appris à écouter son instinct, il avait pris une provision d'armes.

Il remercia le ciel d'avoir pris cette précaution quand il vit les vampires avancer vers eux. Les dix vampires.

*****

Tania faisait le tour du quartier, tâchant de se fondre dans le décor. Elle avait appris très vite à être discrète. Elle traînait dans le quartier dans lequel Meghan avait tué son vampire, deux nuits avant. Elle se disait qu'avec de la chance, elle en trouverait un, elle aussi.

Elle avait conscience que ce petit jeu était idiot, mais cette compétition " pour rire " les distrayait toutes les deux. A la fin du mois, celle des deux qui avait tué le plus de vampires invitait l'autre au restaurant.

Et Meghan mangeait souvent à ses frais.

Elle décida malgré tout d'arrêter pour cette nuit. Elle était épuisée, et elle devait être au tribunal très tôt le lendemain matin. La pensée qu'elle chassait le vampire tout en s'inquiétant de la tête qu'elle aurait si elle ne dormait pas assez la fit sourire, mais elle commençait à s'habituer à ces deux facettes de sa vie.

Et elle devait prouver à ses patrons, et aux juges, qu'elle faisait bien son boulot. Personne n'avait jamais été ouvertement raciste avec elle, pas dans son travail en tout cas, mais elle attirait l'attention. Avec une mère chinoise et un père africain, c'était inévitable. Ses parents étaient nés aux Etats-Unis tous les deux, et ils l'avaient élevée en lui apprenant les traditions de leurs pays d'origine respectifs – en même temps que les traditions américaines. Elle savourait toutes ces parcelles de son héritage, mais elle se sentait cent pour cent américaine. Elle n'avait jamais rien connu d'autre que ce pays, après tout, et les liens avec la famille que ses parents avaient encore à l'étranger étaient très détendus. Ils s'écrivaient pour la nouvelle année et c'était à peu près tout. Elle n'avait jamais rencontré aucun d'entre eux, et il lui avait fallu longtemps pour comprendre que les réflexions désagréables qu'on lui adressait parfois n'avaient rien à voir avec le fait que les racistes qui l'accostaient croyaient qu'elle était moins américaine qu'eux. Ils se fichaient de savoir où elle était née, ils la considéraient comme moins humaine qu'eux, parce qu'elle n'était pas blanche, une situation dont elle n'avait vraiment commencé à apprécier toute l'ironie que quand elle avait appris que des choses qui n'étaient vraiment pas humaines existaient.

Rêvant d'un long bain chaud et de son lit qui l'attendait (vide, malheureusement), elle pressa le pas.

Elle approchait du coin de la rue quand elle entendit des bruits de lutte. A l'idée qu'elle allait peut-être trouver ce qu'elle cherchait, elle accéléra encore, toute envie de sommeil s'évaporant à l'idée de ce qu'elle allait trouver.

*****

Sam serra le pieu tellement fort qu'il en eut mal aux doigts et se força à desserrer sa prise. Une crampe n'aiderait personne, en ce moment.

Un mouvement sur sa droite le fit plonger. Juste à temps, une épée fendit l'air à l'endroit où sa tête s'était trouvée quelques secondes plus tôt. Depuis quand ont-ils des épées aussi LONGUES, hurla la partie de son esprit qui savait encore analyser ce qui se passait. Sans prendre le temps d'y répondre, il profita du fait que le mouvement du vampire l'avait déséquilibré pour plonger et lui enfoncer le pieu dans le cœur.

Se retournant, il aperçut Cordelia aux prises avec deux de leurs assaillants. Elle se débrouillait bien, mais elle commençait à se fatiguer. Il lança un regard vers l'entrée de son immeuble. La route était bloquée par quatre vampires, qui se battaient contre … Sam, surpris, remarqua pour la première fois qu'une femme qu'il ne connaissait pas s'était jointe à la bataille. Décidant que ce n'était pas le moment le mieux choisi pour poser des questions, il revint à son problème : Cordelia et les deux vampires. Ça devenait urgent. L'un des deux, qui tournait le dos à Sam, immobilisait les bras de la jeune fille, et l'autre avait l'air d'être sur le point de la mordre.

Apercevant le sac de munitions par terre, Sam plongea vers lui et le fouilla rapidement. Un pieu pouvait toujours être utile, mais il avait besoin … Il découvrit une batte de base ball, et il s'en empara.

Se tournant à nouveau vers Cordelia, il leva la batte et l'abattit de toutes ses forces sur le crâne du vampire qui la tenait. Le monstre s'écroula, et Cordelia en profita pour se dégager de la prise de celui qui la maintenait et recula en titubant. Sam profita de ce que le vampire était sonné pour lui planter un pieu dans le cœur. Quand il releva les yeux, celui qui avait essayé de mordre Cordelia s'enfuyait.

Regardant autour de lui, il s'aperçut que les vampires qui n'étaient pas des tas de cendres partaient en courant.

Wesley en acheva un, le dernier, puis se tourna vers eux.

Sam vérifia rapidement l'état des troupes. Tout le monde avait l'air entier, bien qu'essoufflé. La jeune femme qui les avait aidés les observait d'un air interrogateur. Dévisageant Sam, elle s'exclama : " Hey, vous êtes Sam Seaborn. " Avant qu'il ait eu le temps de répondre, elle poursuivit : " Et vous attirez ces sales bêtes ! C'est vous que Meghan a aidé l'autre nuit, n'est-ce pas ? "

Sam confirma d'un hochement de tête hésitant.

La jeune femme le regarda sérieusement et déclara : " Tania Winters. Je crois qu'il faut qu'on parle. "

Sam soupira. Le reste de la nuit risquait d'être aussi intéressant que son début.

 

 

Huitième partie

 

 

Washington, le même soir

" Vous n'avez vraiment aucune idée de qui vous en veut ? " demanda Scott pour la troisième fois.

Sam se retint d'exploser et répondit simplement, " Non ". Il avait déjà fait le tour de la question avec le chef du groupe, mais Scott insistait quand même.

Sam s'était souvent demandé si beaucoup de groupes de civils étaient au courant et protégeaient leur ville comme ils pouvaient, dans le pays. Il supposait que c'était le cas – il devait y avoir un ou des groupes comme celui-ci dans toutes les villes, quelques personnes qui étaient au courant de la situation et refusaient de se laisser faire.

Scott, tout excité, prit la parole. " On trouvait qu'il y avait moins de ces vampires en route, pour le moment. Ça a peut-être un rapport, non ? "

" Ils se cachent pour éviter d'être pris pour cible par le bad boy numéro un du moment ? " demanda Cordelia.

" Ou ils travaillent pour lui, " murmura Sam, réfléchissant à voix haute.

Tout le monde grimaça en pensant à cette éventualité. L'idée d'une armée de vampires n'était pas pour leur plaire, mais c'était une possibilité à considérer.

" On fait quoi ? " demanda Tania.

Kyle et Wesley se regardèrent, hésitant. Scott intervint : " C'est clair, non ? S'ils veulent s'en prendre à Sam, on l'aide. C'est pour ça qu'on est là, pour aider les gens qui ne peuvent pas se défendre. "

Sam se raidit à sa manière de formuler les choses. " Je ne suis pas complètement sans défense, merci bien. Et je n'aime pas qu'on parle de moi comme si je n'étais pas là. "

Scott s'empourpra et Sam soupira. " Désolé, j'ai eu une journée … spéciale. Ce n'est pas que je n'apprécie pas le sentiment, c'est juste … sérieusement, j'ai déjà fait ça. Inutile de me traiter comme si je n'avais pas la moindre idée de ce qui se passe. "

Meghan, qui avait eu l'air prête à bondir à la défense du jeune homme, se détendit, et Tania regarda Kyle. " Scott n'a pas tort. On devrait - " Elle s'interrompit et regarda ses trois " invités " avant d'hésiter : " Enfin, si vous voulez de notre aide, bien sûr. "

Sam sourit. " Vous nous avez déjà pas mal aidés cette nuit, " fit-il remarquer. " Et l'autre soir aussi. Et si je ne vous avais pas remerciée correctement, " ajouta-t-il en se tournant vers Meghan, " merci encore de m'avoir sauvé la vie. "

Il avait l'impression beaucoup de temps à s'excuser et à remercier les gens, ces derniers jours, mais il aimait que les choses soient dites.

Meghan hocha la tête et Wesley se tourna vers Kyle. " D'accord, voici ce que je propose : on cherche discrètement, chacun de notre côté, et on se tient au courant de ce qu'on trouve. Et les premiers à avoir besoin d'un coup de main contactent les autres. "

 

*****

 

A la rentrée, ça allait un peu mieux. Un peu. Les cauchemars commençaient à s'espacer, mes parents étaient redevenus comme " avant ", et j'étais raisonnablement prêt à retrouver Los Angeles pour ma dernière année de lycée.

Le reste de la bande était déjà là quand je suis revenu. Ils m'avaient écrit à Londres pour me raconter leurs vacances, et pour me dire ce que devenaient Aaron et Mark, contraints de déménager, mais je sentais qu'ils avaient recommencé leur lettre plusieurs fois avant de me l'envoyer, à la recherche de la moindre allusion, directe ou non, à ce qui était arrivé.

On s'est retrouvés le lendemain de mon retour, autour d'un pizza, et tout le monde pouvait se rendre compte que quelque chose avait changé. On s'était rendu compte qu'on était mortels, et ça nous avait fait un choc à tous.

Le jour suivant, on est rentrés au lycée. Par chance, je n'ai plus eu droit aux regards en coin que ma noyade m'avait valus l'année précédente. Tout le monde avait oublié l'histoire.

Après les cours, les autres m'ont amené au nouveau magasin qu'Aaron avait ouvert. Il avait recommencé à chercher des livres de référence, et je savais que certains de ceux qu'il avait perdus ne pourraient jamais être remplacés. Il avait beaucoup changé. Il n'a plus jamais été capable de regarder nos parents en face, et au bout d'un moment, il a renoncé à les rencontrer. Il supportait mal de ne pas être capable de leur dire ce que nous faisions de nos nuits. Nous aussi.

Mark m'a aussi pris à part pour me dire que lui et Aaron avaient éliminé Cicero. Plus tard, Chris m'a dit qu'ils avaient passé leur été à le traquer, et à attendre une occasion de l'éliminer – ils ne pouvaient pas se permettre d'affronter tous ses disciples de front, ils ont dû attendre qu'il soit vulnérable.

Je n'étais pas très sûr de ce que je ressentais. D'un côté, j'étais rassuré d'apprendre que Cicéro était hors d'état de nuire, et que je ne risquerais pas de lui tomber dessus au cours d'une patrouille.

D'un autre côté, j'aurais préféré le voir mourir. Je faisais confiance aux autres, et je savais qu'ils ne m'auraient pas menti sur ce sujet. S'ils disaient que Cicéro était mort, il l'était. Mais ne pas l'avoir vu disparaître me privait de ma chance d'en être sûr.

Quand on est ressortis de la nouvelle librairie d'Aaron, on a décidé d'aller au cinéma. Aucun de nous n'avait envie de rentrer tout de suite. Avec le recul, on s'est tous dit qu'avec notre expérience, on aurait dû se rendre compte qu'on était suivis.

 

*****

Appartement de Sam

Le groupe était rentré depuis une demi heure et partageait une pizza, et leurs impressions sur les " protecteurs de Washington ", comme Cordelia les avait surnommé. Les deux hommes lui avaient fait remarquer que c'était un nom de code assez … nul, mais elle tenait à son idée, et ils n'avaient pas réussi à trouver mieux.

Ils étaient tous pour l'idée d'unir leurs forces avec Tania et ses équipiers, mais ils devaient être prudents tant qu'ils ne sauraient pas à qui ils avaient à faire. A priori, le groupe était au-dessus de tout soupçon, mais les choses n'étaient pas toujours ce dont elles avaient l'air a priori.

" Je me demande… " commença Wesley, rompant un silence qui s'éternisait, avant de s'interrompre.

" Quoi ? " pressa Cordelia quand il ne précisa pas.

" Oh, ce n'est probablement rien. "

" Wesley, " coupa la jeune fille, " je te connais comme si je t'avais fait. " Elle fit une pause. " D'accord, image visuelle … dérangeante. Bref, tu as LE regard. "

" LE regard ? " intervint Sam.

" Celui qui dit : 'J'ai trouvé, mais je ne vais rien dire avant d'avoir fait des recherches jusqu'à ce que mort s'en suive.' La mort des autres, bien entendu. "

" Je ne suis pas sûr de ce que j'ai trouvé. Ni même d'avoir trouvé quelque chose. "

Cordelia soupira. C'était un aspect de Wesley qui l'agaçait prodigieusement. Et qu'elle adorait. Elle savait comment le prendre. Le harceler marchait en général.

" Sérieusement - " commença-t-elle.

Il l'interrompit. " Tu ne vas pas me lâcher tant que je ne te l'aurai pas dit, c'est ça ? "

Bon, il la connaissait bien aussi. Elle se contenta d'hocher la tête, sérieusement.

" Un des vampires portait une bague. Je suis sûr que c'est le symbole d'un ordre très ancien. Il faut juste que je retrouve de quel ordre il s'agit. "

" Tu veux que je cherche sur Internet ? " demanda-t-elle.

" S'il te plait, oui. Moi, je vais ressortir mes livres. Et Sam - "

" Je vais t'aider, " coupa le jeune homme.

" Tu n'as pas à - "

" Pas à quoi ? Pas à me mêler de ça ? C'est après moi qu'ils en ont, Wes. Il faut que je … Si je reste là sans rien faire, je vais … Je n'aime pas être spectateur. "

Wesley avait l'air sur le point de discuter, mais Cordelia aurait pu lui dire que c'était peine perdue. Elle connaissait le regard de Sam, elle l'avait vu assez souvent, sur les visages de Buffy et du gang à Sunnydale, puis à Los Angeles. Il voulait s'en mêler, ce qui était plutôt courageux de la part de quelqu'un qui était la cible d'un vampire psychopathe – plus psychopathe que les autres – et qui avait déjà payé cher pour ce genre d'implication dans le passé.

Wesley devait être arrivé à la même conclusion, il abandonna le sujet. Et tout le monde se mit au travail.

 

Neuvième partie

 

 

Appartement de Sam

(Vendredi)

" D'accord. Tout va bien à LA ? OK. Pas de nouvelles d'An- Non, non. Je sais. Fais attention, Gunn. D'accord. Toi aussi. A bientôt. "

Sam observa Wesley alors qu'il raccrochait le téléphone. " Tout va bien ? " demanda-t-il, essayant d'avoir l'air nonchalant.

" Oui, " répondit Wesley, l'air songeur.

Sam hésita puis déposa sa tasse de café sur la table et fixa son ami. " Qu'est-ce qui ne va pas en Californie ? Pourquoi Angel ne donne pas signe de vie ? Qu'est-ce que vous ne m'avez pas dit, tous les deux ? "

" Comment tu as - "

" Compris ? Je ne suis ni aveugle ni idiot, Wes. Je le vois bien, que quelque chose vous tracasse, toi et Cordelia. Qu'est-ce qui ne va pas ? "

Wesley hésita une minute puis sembla prendre une décision. " Angel traverse … une phase difficile. Il a un gros problème à régler et les méthodes qu'il emploie pour y arriver sont … discutables. Quand on a essayé de lui parler de ça, il nous a renvoyés. "

Sam le fixa, incrédule. " Renvoyés ? "

" Je crois qu'il ne veut pas nous avoir dans les jambes pour faire ce qu'il a à faire. Il se dit qu'il va devoir se salir les mains, et qu'on n'a pas à voir ça. "

Wesley essayait visiblement de justifier son ami aux yeux de Sam, mais il ne parvenait pas vraiment à cacher le sentiment de trahison qu'il ressentait. Sam pouvait le comprendre.

" Il va se calmer. Il se rendra compte, " affirma Wesley, mais il n'avait pas l'air d'y croire vraiment. " Il sait ce que sont les enjeux. "

" Et en attendant, c'est à vous de vous débrouiller pour faire son boulot, " compléta Sam.

" C'est surtout dur pour Cordelia. Elle a reçu ces visions pour l'aider, et il lui tourne le dos. On a essayé de le contacter, la première fois. Il n'a pas répondu. Et on a failli y rester. "

" Je suis désolé, " fit Sam, sans savoir ce qu'il pouvait dire d'autre.

" Il reviendra, " répéta Wesley. " Et on fera ce qu'il faut en attendant. On n'a pas sa force, mais on se débrouille. Tu peux avoir confiance. "

" J'ai confiance, " répondit Sam, surpris de découvrir qu'il le pensait. Les derniers jours avaient passé très vite, entre le discours à écrire et les recherches. Wesley ne trouvait pas ce qu'il cherchait, et il était évident qu'il le prenait mal. Mais Sam avait appris à mieux connaître ses invités, et il savait qu'ils ne laisseraient pas quoi que ce soit lui arriver.

Et il était prêt à se battre pour eux, lui aussi, si ça devenait nécessaire.

 

*****

Maison Blanche

 

Sam sursauta et grogna quand le téléphone sonna. Il était lancé sur le discours et il n'avait pas envie de s'interrompre. La sonnerie continuant, il se résigna.

" Sam Seaborn. "

" Salut, c'est Tania. "

Il lui fallut un moment pour réaliser qui lui parlait. " Oh. Bonjour. Tout va bien ? "

" Très bien. Enfin, je veux dire… on n'a encore rien trouvé, je suis désolée. "

" Non, nous non plus. "

" Mais tout va bien. Je voulais juste… Je finis assez tard au tribunal, ce soir. "

" Vous êtes avocate ? " demanda-t-il, avant de réaliser qu'elle pourrait mal prendre son ton incrédule. Mais elle eut un léger rire.

" Bien sûr. Vous vous imaginiez quoi, que je gagnais ma vie en chassant les vampires ? Il y a plus de gens comme nous que vous ne semblez le croire. "

" Je sais. C'est juste que … " Ne trouvant pas une façon intelligente de finir sa phrase et se demandant pourquoi il pataugeait autant dans cette conversation, il conclut " Je ne sais pas à quoi je m'attendais. Désolé. "

" Non, c'est moi, je ne voulais pas vous déranger. Je me demandais juste si vous seriez libre pour dîner, ce soir. Après notre journée. Je veux dire -"

" J'en serais ravi, " coupa-t-il. Il rougit, se sentant idiot. Il avait apprécié la jeune femme lors de leur rencontre, en dépit des circonstances, et s'il avait eu deux minutes à lui, il aurait sûrement envisagé de l'inviter. Les choses étant ce qu'elles étaient, il était content qu'elle fasse le premier pas.

" Vraiment ? " demanda-t-elle, avant de se reprendre, " alors, on s'arrange comment ? "

Une fois les détails pratiques mis au point, Sam se remit à son discours, tout en accordant une partie de son attention à ce coup de téléphone. Avait-il le temps de se compliquer potentiellement la vie avec un rendez-vous, alors que l'état de l'Union approchait et qu'un vampire essayait de le tuer ? Bien sûr, il mettait peut-être la charrue avant les bœufs. Peut-être que sa rencontre avec Tania n'aurait aucune conséquence.

Réalisant que pour la première fois depuis longtemps, il attendait le soir avec impatience, il se remit au travail. Il allait devoir mettre les bouchées doubles s'il voulait se libérer deux heures ce soir.

 

*****

Un peu après la rentrée, notre groupe s'est agrandi. Une fille du lycée s'était mise à poser des questions et à essayer de savoir ce qu'on faisait toujours ensemble. Et elle ne se gênait pas pour faire comprendre qu'elle s'intéressait à Ben en particulier.

Elle nous a suivis un moment, sans qu'on le sache. Ce qui devait arriver est arrivé, elle a failli se faire tuer par un vampire. Il a fallu tout lui dire, elle n'avalait pas l'histoire du gang. Pas étonnant, on la resservait à tout le monde. J'avais arrêté de compter depuis longtemps le nombre de fois où on avait utilisé cette excuse. De toutes les rumeurs qui courraient sur nous, la plus répandue était d'ailleurs qu'on faisait partie d'un gang…

On lui a raconté, on l'a amenée chez Aaron, et on a eu du renfort pour la bataille.

L'ambiance changeait dans le groupe. Ally et Chris étaient officiellement ensemble – depuis le temps que ça couvait, ça n'a surpris personne. Et comme prévu, Mina et Ben ont fini ensemble, parce que Mina était décidée et qu'elle réussissait toujours à obtenir ce qu'elle voulait. Robbie et moi sommes restés en plan, et j'ai passé de plus en plus de temps à faire les recherches et Robbie a commencé à fréquenter d'autres personnes. Il avait été admis dans l'équipe de football (il n'était pas particulièrement costaud, mais il courait incroyablement vite. Il disait que c'était l'avantage de s'enfuir, un vampire aux trousses.) et l'entraînement lui prenait beaucoup de temps. Sa future bourse universitaire dépendait de ses résultats sportifs, et il en était conscient.

On a continué à se voir régulièrement, mais on n'a jamais retrouvé l'ambiance de l'année précédente. C'était notre façon de vivre avec notre prise de conscience : le fait d'être un groupe ne nous rendait pas invulnérables, et le fait d'avoir seize ans ne nous rendait pas immortels.

On s'est éloignés les uns des autres en douceur, puis une bande de vampires a décidé d'attirer un démon dans notre univers et les choses ont mal tourné. Je ne l'ai su que bien plus tard, mais l'Ordre auquel Cicero et sa femme appartenaient était toujours en ville, et voulait finir ce qu'il avait commencé. L'absence de Cicero ne changeait rien pour eux. Mais ils devaient d'abord se débarrasser de nous.

*****

Maison Blanche

 

" Sam, tu as - " Toby s'interrompit dès qu'il entra dans la pièce, visiblement surpris de trouver son adjoint disparaissant derrière une pile de dossiers.

" J'ai quoi ? " demanda-t-il, priant pour que ce que son chef voulait ne l'oblige pas à annuler son rendez-vous avec Tania.

" Fini la partie dont on avait parlé ce matin ? " termina Toby.

" Ginger est en train d'imprimer. "

" Sam, qu'est-ce que c'est que … ça ? " demanda Toby en désignant la pile de dossiers.

" Une partie de ce qu'on a étudié ces derniers mois. Les exigences et recommandations de tous ceux qui ont eu leur mot à dire sur le discours. Je suis sûr que j'ai oublié quelque chose. "

" D'accord. Si tu le dis … Sam, est-ce que tout va bien ? "

Alarmé, Sam releva les yeux de son travail. Est-ce que son chef se doutait de quelque chose ?

" Tu es un peu 'ailleurs', en ce moment, beaucoup de gens le disent. On se demandait juste si tout va bien ? "

Sam hésita un moment. Il avait évité ses collègues, ces derniers jours, espérant qu'il mettraient ça sur le compte de l'approche de la date limite pour le discours. La " double vie " qu'il menait en ce moment lui paraissait tellement bizarre qu'il avait peur que quelqu'un se doute de quelque chose. Apparemment, ses collègues s'inquiétaient quand même. Il avait déjà refusé plusieurs propositions de Josh pour sortir. En fait, maintenant qu'il y repensait, Josh l'avait invité tous les soirs de cette dernière semaine - ce qui le rassurait, parce que si Josh se sentait assez bien pour lui forcer la main et le traîner dans un bar, il devait se sentir mieux. Le souvenir de Noël commençait à prendre de la distance, et c'était une bonne chose.

Revenant à Toby, il eut un sourire rassurant. " Je vais très bien. C'est juste … le discours approche, on est tous un peu … déphasés. "

Son chef hésitait encore, et Sam réalisa soudain à quel point il était rare de voir le grand Toby Ziegler manifester de l'inquiétude pour quelqu'un. Il lui en avait beaucoup voulu pour le discours sur l'environnement, mais il commençait à se dire que c'était ridicule. Repensant à Wesley, il réalisa que l'Anglais pardonnerait à Angel quand celui-ci reviendrait. Bien sûr, il le ferait ramper pour se venger un minimum, mais il lui pardonnerait.

Et Toby rampait, en ce moment. Cette admission que " les gens " s'inquiétaient étaient les seules excuses que Sam aurait jamais, mais il avait appris longtemps auparavant que Toby n'était pas du genre à s'excuser. C'était un aspect de son chef qu'il acceptait, et avec lequel il avait appris à vivre.

Réalisant que Toby avait dû comprendre qu'il lui en voulait encore, Sam insista en souriant. " Tu peux dire " aux gens " que tout va bien. Et j'essayerai de voir Josh, pour qu'il arrête de te poser la question. "

" Tu feras bien, " grogna Toby, visiblement soulagé, et Sam réalisa qu'il avait compris que Sam avait, à sa manière, accepté les excuses qu'il lui avait présentées … à sa manière. " Il ne me lâche plus, je suis censé travailler, moi… pourquoi l'avons-nous engagé, je me le demande. Bon, je vais lire ce que Ginger a imprimé. "

Son chef partit, Sam sourit en pensant à tous ces gens qui pensaient que leur relation était compliquée. En vérité, ils savaient où ils en étaient. Et ils se connaissaient suffisamment pour se comprendre à demi mot.

Heureux de savoir qu'ils iraient bien, Sam se remit au travail.

 

*****

Appartement de Sam

(Vendredi soir)

 

Sam était rentré très tard de son rendez-vous. Mais ça avait été la meilleure soirée qu'il ait passée depuis très longtemps.

Josh l'avait appelé alors que Tania et lui en étaient encore à l'apéritif, mais dès qu'il avait compris qu'il était avec quelqu'un, il s'était excusé et avait raccroché, sa voix pleine de sous entendus. Sam savait qu'il allait devoir passer au rapport le lendemain, mais ça ne le dérangeait pas.

Tania et lui s'étaient découvert des tas de points communs, même si la conversation était restée assez superficielle, aucun d'aux ne voulant aborder de choses trop personnelles dès le premier rendez-vous. D'un accord tacite, ils avaient évité de parler vampires. Mais elle avait beaucoup ri de sa surprise en apprenant qu'elle était avocate.

Elle lui avait expliqué que dans son groupe, seuls Meghan et Kyle faisaient la chasse aux démons à plein temps. Comme la bande de Wesley, ils avaient d'ailleurs du mal à joindre les deux bouts. Scott était toujours étudiant (en droit) et avait découvert l'existence des vampires à peine six mois auparavant. Ce fut le seul moment désagréable de la soirée pour Sam, qui repensait à ses amis de Los Angeles et à ce qu'ils seraient devenus.

Voyant que le sujet le dérangeait, Tania avait dévié la conversation sur d'autres sujets, et le reste du repas s'était infiniment mieux passé.

En rentrant, il trouva Wesley et Cordelia endormis sur leur recherche, et il ressentit une pointe de culpabilité à l'idée qu'ils s'épuisaient à chercher une solution à son problème alors que lui passait une soirée agréable au restaurant. Il décida de les laisser dormir. Ils devaient être au moins aussi fatigués que lui.

Il sortait de la douche, plus que prêt à essayer de dormir quelques heures avant de devoir retourner au travail, quand on frappa à la porte.

Il alla ouvrir et ouvrit la bouche toute grande en voyant qui se trouvait dans le couloir.

Son visiteur sourit. " Ca fait longtemps. "

 

Dixième partie

 

" Mark ? " demanda Sam, incrédule. " C'est vraiment toi ? "

Il avait failli ne pas le reconnaître. Pourtant, c'était bien lui. Avec quelques années de plus, des cheveux blancs, mais …

Sam lui fit signe d'entrer puis le bombarda de questions. " Comment – Qu'est-ce que tu fais là ? "

" J'ai lu un message sur un forum, posté par une certaine Cordelia. Elle expliquait brièvement la situation et demandait des renseignements sur une bague. Il n'a pas fallu longtemps pour faire le rapprochement avec toi. "

Pour une fois, Sam ne savait vraiment pas quoi dire. Il restait planté là, observant son ami, et repensant aux circonstances de leur dernière rencontre. Une toux discrète derrière lui le ramena à la réalité. Il se retourna et constata que Cordelia et Wesley étaient réveillés et les regardaient. Souriant à Mark, il lui désigna les deux autres. " Viens, je vais vous présenter. "

*****

On a fait front commun contre ces démons-là. C'était notre première apocalypse potentielle - si on ne prenait pas en compte celle de l'année précédente, qui avait été personnelle.

Il nous a fallu des heures de recherche, dans des livres obscurs, mais on a trouvé le moyen de les vaincre. Un sort à lancer, très dangereux, dont Aaron et Robbie devraient s'occuper ensemble. Tous les autres, moi compris, devaient retenir les disciples.

L'année précédente aurait dû nous apprendre à être plus prudents, mais on était tellement sûrs de nous … On ne s'est pas méfiés. Ou en tout cas, pas assez. Les disciples ont levé une armée. Toutes les créatures à qui on avait mis des bâtons dans les roues ces dernières années ont été ravies de leur prêter main forte.

Ils nous ont attaqué le soir où on devait empêcher la venue du démon. On travaillait à la bibliothèque. Mark connaissait le responsable, il lui laissait les clés. Le temps qu'on se rende compte qu'on était encerclés, ils nous sont tombés dessus.

J'ai peut-être (heureusement) perdu la mémoire en ce qui concerne la noyade, mais cette nuit-là est restée gravée dans ma mémoire en détails.

De notre équipe, il n'est resté que trois survivants. Ally (Chris l'avait protégée, elle me l'a raconté avant que je quitte la ville), Mark (apparemment, un des monstres l'avait cru mort alors qu'il ne l'était pas) et moi (j'ai dû me faire assommer juste après que Ben se soit fait décapiter). Aaron et Robbie sont morts en lançant leur sort – ils n'étaient pas prêts. Le sort a marché et a empêché le démon de se matérialiser de notre côté, mais l'énergie nécessaire pour que ça marche n'a pas été suffisamment canalisée par l'un des deux – probablement Robbie, qui manquait encore d'entraînement. Et voir leurs amis se faire massacrer ne les a sûrement pas aidés à se concentrer.

Je me suis réveillé à l'hôpital, une fois de plus. Les médecins nous connaissaient. En fait, l'un d'eux savait ce qu'on faisait et nous soignait gratuitement quand ce n'était pas trop grave. C'est lui qui s'est occupé de moi, et c'est lui qui m'a annoncé que mes amis n'avaient pas survécu. J'avais échappé de justesse à la fracture du crâne, et j'ai sauté sur l'excuse pour dire que je ne me souvenais de rien. Nos parents à tous ont été anéantis. Je n'ai pas réussi à regarder les familles des autres en face à l'enterrement, et je n'y suis plus jamais arrivé après ça. J'avais l'impression de les entendre penser : " Il a survécu, et nos enfants sont morts. " Mais ce n'était peut-être que moi. Peut-être que je l'ai imaginé.

 

*****

Appartement de Sam

 

Mark et Wesley parlaient avec animation de l'Angleterre depuis presque une demi heure. Sam les observait et jetait de temps en temps un regard amusé vers Cordelia, qui semblait s'ennuyer ferme. Pas pour la première fois, il se demanda ce qu'une fille qui avait tout de la bimbo californienne faisait avec des chasseurs de démons.

Elle le surprit en train de la dévisager et eut un large sourire. " Allez-y, demandez-moi. Vous en mourez d'envie, et ces deux-là vont parler de la reine mère encore un long moment. "

" Comment est-ce que vous avez été mêlée à … tout ça ? "

Cordelia eut un large sourire. " Imaginez la scène : un lycée californien typique, avec son équipe de football, sa fille-la-plus-populaire-du-lycée (c'était moi), ses vampires, et sa Tueuse de vampires. C'était mon lycée… J'ai compris petit à petit ce qui se passait, puis … je ne sais pas pourquoi, je me suis retrouvée impliquée là dedans. A la fin de mes études, je déménage pour tenter ma chance à Hollywood et qui est-ce que je rencontre à une soirée ? Angel, ex de la Tueuse, vampire à la recherche de la rédemption. Au départ, j'ai commencé à travailler avec lui pour payer les factures. Et parce que ça me rassurait un peu d'être avec quelqu'un que je connaissais. "

Sam, qui se souvenait de ce qu'on ressent quand on arrive dans une ville immense et qu'on n'y connaît personne, hocha la tête pour lui montrer qu'il comprenait.

" Moi qui croyais avoir laissé les démons derrière moi en quittant Sunnydale, " ricana Cordelia, et Sam opina une fois de plus. Ça aussi, il connaissait. Mais il lui restait une question.

" Je croyais qu'Angel est un vampire ? "

Devant le signe de tête affirmatif de Cordelia, il poursuivit " Comment un vampire et une Tueuse… "

" Exactement, " répondit Cordelia. " Roméo et Juliette à Sunnydale, en quelque sorte. "

" Et moi qui croyais avoir eu une vie intéressante, " murmura Sam, et Cordelia le regarda avec sympathie.

" On essaye tous d'y échapper, d'une façon ou d'une autre. Buffy a essayé, Angel aussi … Il n'y a que les Observateurs qui font ça pour le plaisir. Drôles de gens, non ? "

Sam regarda Wesley et Mark qui discutaient avec animation des démons les plus dégoûtants qu'ils aient jamais eu à tuer et sourit. " C'est le moins qu'on puisse dire. "

" Et vous, comment - " commença Cordelia avant de s'interrompre, repensant sans doute à la dernière fois qu'elle lui avait posé une question sur son passé.

Il hésita, puis décida qu'en parler ne pourrait pas lui faire de mal. " Tout a commencé … "

 

*****

J'ai quitté Los Angeles quelques mois plus tard. J'avais l'occasion d'entrer en fac plus tôt que prévu – chasse aux démons ou pas, j'ai toujours été doué pour les cours. Même si plus aucun d'eux ne m'intéressait.

J'avais caché aux autres que j'y pensais. Je leur avais même caché que j'en avais l'occasion, en fait. J'hésitais encore à l'époque. Plus après ce qui s'était passé.

Mark était reparti en Angleterre peu " après " - encore un événement qu'on ne nommait pas. Je ne savais même pas qu'il en était originaire. Il ressemblait à un Californien typique et il n'avait pas la moindre trace d'accent. Ally, elle, avait demandé à changer de lycée. Je la comprenais. Je ne suis resté au lycée que quelques semaines, le temps que le nouveau semestre commence à Princeton, mais l'impression que les couloirs étaient remplis de fantômes ne me quittait pas une minute.

J'ai bien remarqué quelques phénomènes bizarres à Princeton, mais j'ai adopté l'attitude générale et j'ai regardé de l'autre côté.

J'espérais en avoir fait assez. Jusqu'à ce que Wesley m'appelle pour me dire que j'étais en danger. Jusqu'à ce que de parfaits inconnus, Meghan en tête, me rappellent que ce qui compte, ce n'est pas tellement le combat, c'est sa raison d'être…

*****

Tania leva les yeux au ciel en voyant la façon dont Meghan et Scott la dévisageaient. Elle était passée au QG après son rendez-vous avec Sam, et elle s'attendait à être bombardée de questions.

Elle ne fut pas déçue.

" Alors, c'était comment ? " demanda Meghan, les yeux brillants.

" C'était bien, " sourit-elle, ce qui était vrai. C'était même … plus que bien. Elle avait passé une excellente soirée. Et une soirée au cours de laquelle elle avait pu parler d'autre chose que de vampires – elle n'avait pas abordé le sujet, lui non plus – ou de son travail.

" Seulement bien ? " insista Meghan.

" Meghan ! " s'indigna Tania. " J'ai passé une excellente soirée. " Ce qu'elle avait dit à Sam avant qu'ils se séparent. Ce qu'elle ne lui avait pas dit (à cause de LA règle bien connue de toutes les femmes célibataires – ne pas avoir l'air trop intéressée), c'est qu'elle espérait qu'il la réinviterait. Le plus tôt possible. " C'est quelqu'un de bien. "

" D'accord, " dit Meghan, soudain sérieuse.

Tania comprit que son amie n'insisterait pas plus, et s'en sentit soulagée. Elle n'avait rien contre les conversations entre filles, et Meghan et elle s'entendaient bien à ce niveau, mais elles savaient aussi quand l'autre avait envie de garder quelque chose pour elle seule, le temps de rêver un peu, avant de le partager.

Pour le moment, elle était tranquille.

Avant de partir, elle décida d'aller voir Kyle pour lui demander s'il avait des nouvelles fraîches sur l' " affaire " en essayant de ne pas se demander le pourquoi de cet intérêt pour le bien être d'un de leurs " clients ".

*****

Sam était en train de préparer du café pour tout le monde quand Mark le rejoignit dans la cuisine. Sam, qui avait voulu lui poser une question depuis son arrivée, profita de ce qu'ils étaient seuls.

" Tu savais que je vivais à Washington ? " Mark hocha la tête en souriant et il demanda : " Mais comment ? Tu étais en Angleterre. "

" Plus depuis un an. Et tu crois que vivre loin d'ici m'a empêché de me tenir au courant de ce que tu devenais ? Aaron m'avait demandé de garder un œil sur vous tous s'il devait lui arriver quelque chose. Il t'aimait comme son fils, Sam. "

Sam attendit que la boule dans sa gorge se dissipe avant de répondre : " Je le considérais comme ma famille. Les autres aussi. Il me manque. "

" Il aurait été tellement fier de toi. Tu t'es bien débrouillé, Sam. Et tu as - "

" Mais j'ai arrêté de - " coupa Sam.

" Et tu crois que ça lui aurait posé un problème ? Rappelles-toi comment il s'est battu pour que vous ne vous impliquiez pas là dedans. Et le travail que tu as choisi – tu t'intéresses aux autres, tu essayes de les aider. Tu crois que ça a une importance, la manière dont tu les aides ? Ca n'en a aucune. Il aurait été fier. Et je le suis. " Il sourit doucement et ajouta : " Et je peux aider. Viens, allons rejoindre les autres. Que je vous explique. "

 

 

Onzième partie

 

" D'accord, qu'est-ce que tu sais qu'on ne sait pas ? " demanda Sam en s'installant à côté de Cordelia.

Mark sourit en voyant leur impatience. Une autre chose qui n'avait pas changé chez lui, songea Sam. Il avait toujours aimé faire durer le suspens.

" Aaron tenait un journal, tu le savais peut-être, " commença-t-il.

Sam haussa les épaules. " Je ne l'ai jamais lu, si c'est ce que tu veux savoir. Mais je l'ai vu l'écrire, oui. Il disait que tous les Observateurs en tiennent un, même s'ils ne sont pas au service de la Tueuse. Pour archiver tout ce qui se passe. "

Wesley interrompit. " Vous êtes un Observateur ? " demanda-t-il en dévisageant Mark, comme s'il essayait de se rappeler où il l'avait déjà vu. Mark se contenta d'en rire.

" Oh, non, je n'aurais jamais eu … comment dire, la dose d'auto sacrifice suffisant. Je suis bien trop impatient pour être un Observateur. Mais j'ai vécu avec l'un d'entre eux pendant… longtemps. "

Il avait l'air désespéré, brusquement. Sam le regarda avec sympathie et Mark lui demanda, hésitant : " Je ne sais pas si tu le savais, mais Aaron et moi étions … comment dire … "

" Oh, je t'en prie, " coupa Sam. " Tu crois qu'on n'avait pas remarqué ? On le savait tous. Vous étiez marrants, à essayer de le cacher. Ça crevait les yeux. "

Mark resta un moment sans rien dire, visiblement surpris par la tournure des évènements. " Et ça ne vous gênait pas ? " demanda-t-il enfin.

" Pourquoi ça nous aurait gênés ? On était contents pour vous. Et avant que tu demandes, non, nos parents respectifs n'en savaient rien. Et on n'a pas jugé bon de les informer. "

Mark sourit brièvement et reprit. " Bref, généralement, ces journaux sont annexés par le Conseil à la mort de leur auteur, pour qu'ils aient une bibliothèque complète. Ou du moins aussi complète que possible. Mais dans ce cas précis … "

" Tu les as récupérés, " compléta Sam, et Mark haussa les épaules.

" Ca ressemblait à une bonne idée, à l'époque. "

" Alors, qu'est-ce qu'ils disent ? " demanda Cordelia, toujours impatiente.

Mark sortit un volume de son sac et le tendit à Sam. " Autant que vous découvriez ça par vous-mêmes, " dit-il avant de sortir de la pièce.

Sam le regarda partir, puis ouvrit le journal à l'endroit où Mark avait laissé une indication.

 

 

Je n'aurais jamais cru que ce serait aussi difficile. Je me demande comment mes collègues responsables de Tueuses font pour envoyer leurs charges se battre.

Je connais ces jeunes depuis près de deux ans, et je les ai vus … grandir, depuis ce fameux jour où ils ont appris la vérité. Ils se sont battus, ils ont aidé les gens, des gens qui n'en sauront jamais rien, ils se sont améliorés, chacun à sa manière. Mais ce que nous nous apprêtons à affronter … Comment pourraient-ils être préparés à ça ? Les vampires sont une chose, et les plus vieux sont redoutables, mais ce genre de démon est beaucoup plus difficile à battre. Cicero avait fait assez de dégâts. Il n'était pourtant que l'avant garde de ce qui nous attend. Et je vais les laisser y aller sans les prévenir de ce qui se passe. Parce que je ne pourrais pas le faire seul.

Si quelque chose arrive, Mark prendra la relève. Ceci est donc pour lui, ou quiconque lira ce journal.

Il y a 700 ans, un démon, Ghan, a été chassé de cette dimension par une Tueuse. Celle-ci est malheureusement " partie " avec lui. Elle n'a probablement pas survécu longtemps dans la dimension du démon, la nouvelle Tueuse a été activée dans les heures suivant sa disparition.

Une prophétie annonce son retour pour notre époque – sans être trop spécifique sur la date. Tout ce qu'on sait, c'est qu'un ordre de vampires (l'Ordre des Cinq) lui obéit et tente de le ramener. Cicero en faisait partie, il était l'un des cinq – les cinq que Ghan avait à son service au départ. Il préparait le terrain à Los Angeles. Ces cinq-là ont fait des disciples au cours des siècles, ils sont plus nombreux maintenant, mais personne ne sait exactement combien ils sont. Ce qu'on sait par contre, c'est que les cinq portent une bague.

Ghan aura, semble-t-il, trois occasions de revenir. L'une d'elles a déjà échoué, ce qui a coûté la vie à une autre Tueuse. D'après ce que le Conseil en sait, la deuxième aura lieu cette année – ici, selon tout vraisemblance. Sauf si nous l'arrêtons.

Si nous y arrivons, il lui restera encore une chance. J'espère que ce journal et le récit de ce qui nous est arrivé aideront quiconque s'attaquera à lui.

 

Los Angeles,

Aaron Styles

 

 

Le journal s'arrêtait là. Mark était revenu près d'eux pendant qu'ils lisaient. Ils restèrent silencieux un moment, puis Sam demanda d'une voix tendue : " Alors, c'est ça ? Sa troisième chance ? "

Mark soupira. " J'en ai bien peur. "

Après un nouveau silence, Cordelia demanda : " D'accord, mais … quel rapport avec Sam ? Pourquoi les Puissances - "

" D'après mes renseignements, un des membres de l'Ordre est la … heu … compagne de Cicero. "

" Tu plaisantes ? " s'exclama Sam.

" On l'ignorait à l'époque, Sam. Et Aaron … Il était mort de peur à l'idée que quelque chose vous arrive. Il ne voyait pas quoi faire d'autre. "

" On serait venus même si on avait su, " répondit Sam, sombrement. " On se croyait invincibles, tous autant qu'on était. "

" Quand même … " Mark n'acheva pas sa phrase, mais Sam devinait. Il n'en voulait pas à Aaron. La situation avait été grave, il avait fait ce qu'il fallait. Ce qui ne réglait pas son problème immédiat.

Wesley interrompit sa rêverie. " Et la bague ? "

" C'est la description que Cordelia en a donnée sur le forum qui m'a fait comprendre à qui on avait à faire. Je guettais ce genre de référence depuis longtemps. Aaron avait dessiné le motif de l'Ordre, et ça correspondait. Je suppose que le vampire qui la portait était ancien ? "

" En effet. J'ai eu du mal à le tuer. "

" Il ne reste plus que trois des cinq originaux, donc, " récapitula Cordelia.

" Mais ces trois-là sont suffisants pour déclencher l'apocalypse, " soupira Wesley.

 

*****

Washington

(Samedi)

Tania observait alternativement Wesley, Cordelia, Mark et Sam – en essayant de ne pas s'attarder trop longtemps sur Sam. Visiblement, aucun d'eux n'avait dormi. Et après avoir entendu ce qu'ils avaient appris, elle les comprenait.

" Résumons-nous, " dit Kyle, toujours méticuleux. " Un démon va essayer de revenir sur Terre, on ignore quand, on ignore où - " Voyant que Wesley allait l'interrompre, il continua, " même si la présence de l'Ordre à Washington nous indique clairement que ce sera notre problème, et on ne sait pas comment l'arrêter. J'ai bon, jusqu'à maintenant ? "

Mark hocha la tête, avant de préciser : " Mais on avait trouvé un moyen d'empêcher l'ouverture du portail à Los Angeles. "

" Oui, un sort qui a coûté la vie aux deux personnes qui l'ont lancé. Et en plus … personne ici n'est un magicien, je me trompe ? "

Wesley soupira. " J'ai étudié ce sort. Je peux en jeter de simples, comme tous les Observateurs, mais il me faudra de l'aide pour le faire. "

Meghan leva la main, presque timidement. " Je pourrais, moi, " proposa-t-elle.

Kyle la dévisagea. " Depuis quand tu pratiques la magie ? "

Tania grimaça. Il avait l'air presque vexé. Elle savait que lui et Meghan étaient définitivement plus que des collègues, et que Kyle désapprouvait l'usage de la magie. Pour lui, les magiciens et les sorciers étaient tous dangereux. Meghan avait confié à Tania qu'elle avait essayé de lui expliquer la différence entre la magie noire et la magie blanche, mais il avait refusé d'écouter. Elle n'avait jamais osé lui avouer qu'elle pratiquait la magie – en amateur. Elle admettait qu'elle n'était pas très bonne, mais elle commençait à s'améliorer.

Ça risquait d'être leur seule solution, mais à voir la tête de Kyle, il faudrait se battre pour qu'il l'accepte.

La sonnerie de son téléphone la fit sursauter. Elle s'empressa de couper, mais elle eut le temps de voir que son patron l'appelait. Elle remarqua que Sam lisait un message sur son biper, sourcils froncés.

Elle éleva la voix pour se faire entendre au dessus des voix de Kyle et Meghan, qui commençaient à s'énerver. " Les gars, il faut que certains d'entre nous aillent travailler. "

Elle vit Sam sourire et elle savoura l'ironie de la situation. Ça paraissait tellement trivial de se préoccuper du travail alors qu'une apocalypse se préparait, mais il fallait qu'ils songent à maintenir les apparences.

" Travailler un samedi ? " demanda Scott.

" Attends d'être diplômé, tu m'en diras des nouvelles, " rétorqua-t-elle. Les autres allaient pouvoir s'occuper du problème " vampires " toute la journée, mais elle et Sam avaient des patrons qui se moquaient des week-ends. Elle proposa que tout le monde se retrouve au QG à la fin de la journée, et elle et Sam s'éclipsèrent. Une fois dans la rue, Sam la regarda et lui proposa nerveusement de la conduire au bureau.

" Tu es déjà en retard, " fit-elle remarquer.

" Tu es sur mon chemin. "

S'en voulant de se sentir comme une lycéenne mais incapable de s'en empêcher, elle le suivit à la voiture.

 

Douzième partie

 

Wesley continuait d'étudier les notes d'Aaron. Il n'avait pas encore trouvé pourquoi le sort n'avait marché qu'à moitié à Los Angeles, et il ne tenait pas à ce que la même chose se reproduise cette fois.

Il avait demandé à Mark et Sam s'ils se rappelaient quelque chose de cette nuit-là, mais en dehors du fait qu'ils avaient vu Aaron lancer le sort, ils n'avaient pas prêté attention aux détails – ils étaient trop occupés par ailleurs.

Un hurlement l'arracha à ses recherches. Il se leva précipitamment et courut jusqu'à la chambre où Cordelia se reposait. Comme il s'y attendait, la jeune fille avait une vision.

Il la soutint en attendant qu'elle soit de nouveau capable de se tenir debout toute seule, puis lui demanda ce qu'elle avait vu.

Elle grimaça. " Je t'ai vu, lancer le sort. Quelque chose n'a pas marché. Je … "

Elle lança un regard paniqué à Wesley. " Wes, tu portais les vêtements que tu as en ce moment. "

*****

Tania regardait par la fenêtre de son bureau, rêveuse. La nuit serait bientôt là.

Scott l'avait appelée. Après qu'elle et Sam aient laissé le groupe ce matin-là, il était parti avec Kyle faire la tournée des informateurs. L'un d'eux avait fini par parler, après avoir été " persuadé ". Elle n'avait pas cherché à en savoir plus. Son " travail de nuit " l'obligeait parfois à faire des choses dont elle n'était pas fière, et brutaliser des démons inoffensifs pour obtenir des informations en faisait partie.

D'après l'informateur, la cérémonie se passerait dans le quartier des entrepôts. C'était presque cliché à son avis. Comment ces démons trouvaient-ils TOUJOURS un entrepôt pour se cacher ? D'un autre côté, l'isolement relatif de l'endroit réduisait le risque de pertes " civiles ".

Ils seraient huit pour tenter de stopper Ghan. Kyle avait apparemment arrêté de s'opposer à l'idée que Meghan lance le sort avec Wesley. Mais ça n'aurait pas dû l'étonner. Son chef avait beau avoir des idées très arrêtées sur certains sujets, il n'en était pas moins un homme pragmatique. C'était leur seule idée, et ce serait vraisemblablement la seule qu'ils auraient.

Le seul point sombre de l'histoire restait qu'ils n'avaient pas la moindre idée de la date de la cérémonie. Ils allaient devoir surveiller l'Ordre et espérer qu'ils pourraient réagir à temps.

Elle espérait juste que ce ne serait pas ce soir. Sam l'avait invitée à sortir à nouveau. Ils devaient être inconscients pour penser à leur vie privée dans un moment pareil. Aucun d'entre eux n'avait dormi beaucoup plus de trois heures de suite depuis le début de la semaine, elle était sur une affaire très importante, lui sur un discours capital, et Ghan se préparait à revenir sur Terre.

D'un autre côté, ils étaient tous les deux bien placés pour savoir que la vie est trop courte. Ils pouvaient difficilement se permettre d'attendre que les choses se calment, ils savaient tous les deux qu'elles ne se calmeraient peut-être jamais.

Le téléphone sonna et elle s'arracha à sa rêverie. Il était temps de se remettre au travail.

*****

Sam fixait son écran d'ordinateur comme s'il lui en voulait personnellement. Il venait de se rendre compte qu'il tapait depuis près de cinq minutes sans faire attention à ce qu'il écrivait. Se relisant, il s'aperçut qu'il venait de réécrire ce qu'il avait rédigé la veille.

Il réprima un grognement, heureux que son chef ne soit pas là pour assister à ça. Il était tellement fatigué qu'il voyait double. La bonne nouvelle, c'était que la journée tirait à sa fin et qu'il allait retrouver Tania pour dîner. La mauvaise nouvelle, c'était que la journée tirait à sa fin et qu'il n'avait rien écrit de valable. Toby allait le tuer. Si l'Ordre ne le faisait pas avant lui.

Le téléphone le fit sursauter. Pris d'un mauvais pressentiment, il décrocha.

*****

Meghan sursauta quand le téléphone sonna. Elle essayait de se préparer comme elle le pouvait à assister Wesley. Elle avait déjà lancé des sorts, mais aucun n'était aussi élaboré que celui qui l'attendait cette fois. Elle n'avait rien voulu dire à Kyle, mais elle était terrifiée. Une seule erreur de la part d'un d'eux, et ils mourraient tous les deux.

Elle espérait qu'ils auraient le temps de se préparer, mais elle ne pouvait pas se permettre de supposer que ce serait le cas.

Le téléphone sonna et après avoir entendu ce que Tania avait à lui dire, elle fut heureuse d'avoir pris sa journée pour faire ses recherches.

 

Treizième partie

 

 

Devant l'entrepôt

(Samedi soir)

 

Plus tard, Wesley se demanderait comment ils avaient pu croire qu'affronter l'Ordre était une bonne idée. S'il s'en sortait vivant.

Pour le moment, il se concentrait sur la préparation du sort, Meghan lui passant les ingrédients au fur à mesure. Ils étaient sur le parking près de l'entrepôt où la cérémonie devait avoir lieu. Meghan et lui devaient rester là pour lancer le sort qui devrait permettre de refermer le portail quand il serait ouvert, avant que Ghan ne le passe. Il n'avait rien trouvé qui permette d'empêcher le portail de s'ouvrir, alors il supposait qu'il allait devoir se contenter de ça.

Kyle faisait le guet. Il les préviendrait quand ce serait le moment de commencer. Les autres préparaient leurs armes. Ils en auraient besoin quand l'Ordre se rendrait compte qu'on tentait de les arrêter et enverrait des soldats pour les éliminer.

 

*****

 

Cordelia était prête. Ou du moins, aussi prête qu'elle le serait jamais. Une bonne chose, si on considérait que Kyle venait de les rejoindre pour annoncer officiellement le début des hostilités. L'Ordre venait d'entamer les incantations qui devaient ouvrir le portail.

Wesley et Meghan étaient en train de réciter les formules, Wesley en latin, Meghan en anglais. Cordelia avait beau savoir que la jeune femme était là pour aider Wesley, elle ne pouvait pas s'empêcher d'être nerveuse. La magie n'était jamais une force facile à manipuler, même dans les meilleures conditions. Et la situation actuelle était loin d'être idéale. Elle se souvenait encore de certains sorts jetés par des membres du Scooby Gang, comme Alex, quand il avait voulu la récupérer.

Elle eut un léger sourire en pensant à l'ironie de la situation : ils venaient de faire ce qu'ils reprochaient toujours à Angel, ils avaient foncé tête baissée, avec à peine une esquisse de plan. Ils avaient été pressés par les circonstances, et tenter ce genre de folie valait mieux que ne rien faire, mais quand même –

Une exclamation de Kyle la tira de sa rêverie. Bien joué, tu ferais mieux de te concentrer, pensa-t-elle. En voyant à quoi était due l'alerte, elle se mit à serrer son arbalète convulsivement. D'où sortent TOUS ces vampires, pensa-t-elle, paniquée. A voir la tête des autres, elle devinait qu'ils pensaient la même chose. Sans se concerter, ils formèrent un cercle autour de Meghan et Wesley pour les couvrir, et ils se mirent en garde.

 

*****

Wesley avait perdu toute notion du temps, ou de ce qui se passait autour de lui. Il s'entendait vaguement réciter des formules, toujours les mêmes, et il sentait les mains de Meghan crispées sur les siennes. Il avait l'impression de voir le portail qu'ils essayaient de fermer de très loin, comme à travers un écran de fumée.

Il commençait à se fatiguer. L'Ordre tentait de l'ouvrir, ils le fermaient, l'Ordre réessayait, ils devaient le refermer. Il avait l'impression que le cercle était sans fin, qu'il passerait le reste de sa vie à refermer cette porte.

Le portail était resté fermé plus longtemps, cette fois-ci, mais l'Ordre refaisait un essai. Il sentit qu'ils étaient plus puissants, cette fois. Il espérait que la fenêtre de Ghan se refermerait bientôt. Ni lui ni Meghan ne pourraient continuer encore longtemps.

*****

Cordelia se débarrassa du vampire qui l'attaquait (un de moins) et comme elle en avait pris l'habitude, elle jeta un bref coup d'œil pour voir si tous les autres s'en sortaient. Elle avait remarqué qu'ils faisaient tous pareils, au cas où l'un d'eux se serait trouvé en difficulté.

Ils fonctionnaient comme une équipe entraînée ensemble, pas comme des étrangers qui s'étaient rencontrés à peine quelques jours auparavant, et elle se sentit un peu rassurée. Ça augmenterait leurs chances.

Elle remarqua, amusée, que Tania avait pris place juste à côté de Sam. Et la dernière fois qu'elle avait regardé, elle l'aidait à se relever, sans doute après avoir tué un vampire particulièrement inventif.

Un vampire se jeta sur elle et elle lui envoya un coup de poing en pleine figure. Rarement une chose intelligente à faire avec un vampire, mais elle ne pouvait pas le faire trébucher, il aurait pu tomber sur Wesley ou Meghan, et les vampires deviendraient le dernier de ses problèmes.

Ça devait être un jeune vampire, le coup de Cordy le prit complètement par surprise. Sans s'arrêter pour analyser le phénomène, elle profita de ce qu'il battait des bras pour retrouver son équilibre pour lui tirer dessus à l'arbalète. Elle n'attendit même pas de voir si elle avait bien visé – des mois à travailler avec Angel lui avaient au moins appris à viser juste - et se retourna pour voir ce que ses compagnons faisaient.

Elle sourit en voyant que cette fois, c'était Sam qui aidait Tania à se relever. Ces deux-là risquaient de faire une bonne équipe. Mark et Scott étaient en train de s'occuper de quatre vampires à eux tous seuls, et elle observa leur technique un moment, admirative, avant de regarder combien de vampires il restait.

Trop.

*****

Wesley soupira intérieurement. Encore une ouverture déjouée, mais il fatiguait vraiment. Il avait l'impression que l'Ordre aussi commençait à en avoir assez. Ils allaient sans doute encore essayer une ou deux fois, et ce serait tout. Il était de plus en plus conscient des bruits autour de lui. La bataille faisait rage, de toute évidence.

Meghan lui serra les mains plus fort, et il sentit une nouvelle vague d'énergie venant de l'Ordre. Ils remettaient ça.

Il sentit tout de suite quelque chose de différent. Et il comprit ce qui avait mal tourné pour Aaron et Robbie. Ghan essayait d'ouvrir par l'autre côté, et l'Ordre l'aidait de ce côté-ci. Une fois qu'il sentit que le portail était presque ouvert, il se concentra. Il avait l'impression que Meghan lui envoyait toute l'énergie qu'elle avait en réserve, et il essaya de la canaliser. Si on réussit cette fois - , songea-t-il avant qu'une vague de lumière bleue n'envahisse tout.

*****

Cordelia comprit que quelque chose n'allait pas quand les vampires autour d'elle se mirent à reculer, l'air effrayé. Une autre chose qu'elle avait apprise avec Angel : un démon effrayé n'est jamais bon signe.

Se tournant vers Wesley et Meghan, elle remarqua qu'une lumière commençait à apparaître entre eux.

Les autres l'avaient vu aussi. Kyle demanda, paniqué : " Qu'est-ce que c'est ? "

Avant que quiconque ait pu répondre, la lumière augmenta, puis Cordelia se sentit poussé en arrière et tout devint noir.

*****

Tania émergea brusquement. Elle se redressa et grimaça. Elle avait couru des triathlons à l'université, et c'était exactement ce qu'elle ressentait le lendemain d'une course. Tous ses muscles sans exception protestaient. Elle secoua la tête et regarda autour d'elle. Sam était à côté d'elle, il lui tenait encore la main. Elle se souvenait vaguement qu'il l'avait agrippée quand la lumière était apparue.

Elle se pencha pour prendre son pouls et il bougea la tête. " Ca va ? " demanda-t-elle.

" Sais pas. Je suis toujours en un morceau ? "

Elle prit un moment pour vérifier, et il lui demanda : " Je dois m'inquiéter, là ? "

Elle sourit. " Tout à l'air d'être là. "

" Bien. Excellent. "

Ils s'aidèrent mutuellement à se relever, puis contemplèrent en silence ce qui restait du parking dans lequel ils s'étaient battus. Quand ils étaient arrivés, plusieurs poids lourds à vide y étaient garés, ils s'étaient d'ailleurs cachés derrière l'un d'eux, et quatre voitures, peut-être celles des vampires, étaient devant l'entrée de l'entrepôt.

Il ne restait plus un seul véhicule debout. Et la plupart d'entre eux avaient été déplacés d'au moins dix mètres de leur point de départ.

En regardant autour d'elle, elle remarqua qu'elle-même et Sam avaient fait un vol plané d'environ quinze mètres. Par chance, rien n'avait bloqué leur passage, et ils avaient atterri intacts.

Elle ne sut jamais lequel des deux avait le premier murmuré " Les autres ", mais ils se mirent en route avec ensemble, sans se regarder, se demandant si tout le monde avait eu autant de chance qu'eux.

 

Quatorzième partie

 

 

Hôpital, deux heures plus tard

 

Wesley haussa les épaules, fatigué. " Je suppose que Ghan avait besoin que le portail soit … fragilisé pour pouvoir aider de son côté. "

Cordelia insista. " D'accord, donc, l'Ordre commence le boulot, une fois que ledit boulot est bien entamé, Ghan y met du sien, ce qui fait que tu as encore plus de mal à le fermer. Comment - "

" Meghan, " coupa Wesley. " Ca devait être elle. Elle est resté concentrée suffisamment longtemps pour m'aider à le fermer. "

Il adressa un sourire à Tania, qui lui répondit faiblement. Elle avait beaucoup pleuré en retrouvant le corps de son amie, et Cordelia se doutait qu'elle n'avait pas fini. Mais elle semblait tirer une consolation de savoir que son amie leur avait très vraisemblablement sauvé la vie.

Sam intervint. " Et le vol plané, c'était à cause de quoi ? "

Wesley soupira : " Petite vengeance de Ghan, je suppose. Quand il a vu qu'on gagnait, il nous a envoyé un 'cadeau' de son côté. Il a dû espérer qu'on y resterait tous. "

Personne ne répondit, mais Cordelia savait qu'ils pensaient tous à Meghan et Kyle, qui n'avaient pas survécu. Mark allait probablement s'en sortir, mais il avait une fracture du crâne. Scott allait passer un moment à l'hôpital, il avait deux jambes cassées. Et Wesley s'en sortait avec une commotion et un bras cassé.

Sam soupira. " Je me demande si c'est ce qui s'était passé à LA ? "

" Tu ne te souviens vraiment de rien ? " demanda Tania.

" Non, mais j'ai été bien sonné, cette fois-là. C'est pas vraiment étonnant. "

Il n'ajouta pas qu'il n'avait aucune envie de s'en souvenir, ce n'était pas la peine. Ils avaient tous des journées qu'ils préféraient oublier. Comme le jour de la mort de Doyle, dans le cas de Cordelia. Elle se revoyait encore regarder cette vidéo idiote, Doyle regardant la caméra à la fin, demandant " J'ai été bien ? " Elle l'avait gardée, elle la regardait parfois. Et elle commençait à oublier les mauvais souvenirs et à ne se souvenir que des bons. Elle regarda Tania et décida qu'elle lui parlerait de ça, si elles se retrouvaient seules avant son départ. Ça lui ferait peut-être du bien de le savoir. Mais elle avait encore une question.

" Je ne comprends toujours pas … " Elle s'interrompit, lançant un regard à Sam. Il avait fini par lui raconter brièvement ce qui s'était passé à Los Angeles, mais elle ne savait pas s'il voulait en entendre parler. Elle finit par se lancer. " Si Cicero faisait partie de l'Ordre, pourquoi a-t-il voulu se débarrasser de vous près d'un an avant la date de la cérémonie ? "

Sam haussa les épaules. " Parce qu'il voulait la paix et qu'on était dans ses jambes, je suppose. On se débrouillait pour faire savoir qu'il n'était pas le bienvenu, et il m'a dit que tout ce qu'il voulait, c'était passer du bon temps avec sa 'femme'. J'imagine qu'il voulait avoir le temps de s'amuser avant que Ghan débarque, et qu'on l'empêchait de faire ça. "

Cordelia allait répondre quand le médecin qui s'occupait de Wesley entra dans la pièce pour leur demander de laisser son patient tranquille.

*****

Tania lui avait proposé de le ramener à sa voiture, qui était restée garée devant la Maison Blanche, et il ne protesta pas. Il n'avait pas la moindre envie de rester seul.

Le médecin avait fini par les jeter hors de l'hôpital, avec ordre de laisser son patient se reposer. Cordelia avait annoncé qu'elle monterait la garde, et Sam lui avait promis de venir dès qu'il pourrait se libérer de son travail. La jeune femme n'avait même pas eu l'air surprise d'apprendre qu'il allait travailler un dimanche.

Il soupçonnait qu'il ne ferait pas grand chose de sa journée, de toute façon. Pas après la nuit qu'il venait de passer. Pas après avoir deux personnes mourir " pour la cause ", une fois de plus. En fait, penser au travail en ce moment lui paraissait de l'hérésie pure, surtout quand Tania avait perdu deux amis proches, mais il fallait penser aux apparences, au moins pour le moment.

Tania conduisait en silence, encore sous le choc. Meghan avait dû mourir rapidement, mais ça n'était pas d'un grand réconfort de le savoir.

Tania arrêta la voiture près de celle de Sam. Ils restèrent là un moment sans bouger, puis il se tourna vers elle. " Quand ça se sera un peu calmé … J'aimerais beaucoup te revoir. "

Elle sourit presque. " Tu as mon numéro. Et t'as pas intérêt à attendre trop longtemps. Si Meghan - " Sa voix se brisa et elle respira profondément avant de reprendre. " On se plaignait toujours de ces conventions idiotes. Tu sais, ne pas coucher avant le troisième rendez-vous, attendre que l'homme vous rappelle, culpabiliser s'il ne le fait pas … J'ai une meilleure idée : le premier d'entre nous qui a envie de revoir l'autre l'appelle. "

Il sourit et dit sincèrement : " Je risque de ne pas attendre longtemps, je te préviens. "

Elle le dévisagea et sembla satisfaite de ce qu'elle vit dans ses yeux. " Tant mieux. "

Il la laissa et attendit qu'elle ait redémarré avant de se diriger vers sa voiture. Il y était presque quand deux ombres se dressèrent devant lui. Même dans la pénombre, leurs crocs étaient très visibles.

 

Quinzième partie

 

La vampire qui était la plus proche de lui prit la parole. " Tu croyais que ma seule raison d'être ici était l'Ordre ? Je n'ai pas survécu pendant des siècles pour me laisser gouverner par le premier démon venu qui me propose de le suivre. "

" Vraiment ? Vous faites plus que vos 'quelques siècles', " lâcha Sam, avant de se dire qu'il avait encore des progrès à faire dans le domaine du sarcasme quand il affrontait des vampires. Cette idée fut suivie par une autre : " Si je vis aussi longtemps ", et il se concentra sur son problème le plus immédiat.

" Très drôle. Mais ton groupe et toi m'avez privée de mon compagnon. Vous autres humains, vos vies passent si rapidement. Ce n'est pas grave pour vous de perdre vos proches. De toute façon, vous savez que vous les aurez rejoint dans moins d'un siècle. As-tu une idée de ce que c'est de devoir vivre pour l'éternité avec l'idée que tu ne reverras jamais ton bien-aimé ? "

Il la fixait, incrédule. Elle avait vraiment l'air … Elle croyait vraiment ce qu'elle disait.

" Si vous voulez, vous vous tenez tranquille et j'abrège vos souffrances, " proposa-t-il. " Ou vous restez là sans bouger, et quand le soleil se lèvera … pouf. "

Elle sembla considérer sa proposition puis eut un sourire féroce. " Oh, non. Tuer ses ennemis est beaucoup plus satisfaisant. "

" Bon, ben, vous ne pouvez pas me reprocher d'avoir essayé, " fit-t-il, avant de plonger quand elle se lança pour le frapper. Emportée par son élan, elle trébucha et s'étala de tout son long. Il se retourna pour lui faire face, oubliant qu'elle n'était pas seule. Il réalisa qu'il avait fait une erreur quand il sentit le deuxième vampire lui attraper les bras par derrière.

Pour un avocat-écrivain, Sam n'avait rien d'un homme sans défense. Il faisait autant de sport qu'il pouvait, et il était relativement fort. Mais contre un vampire, il avait encore des progrès à faire. Et l'entraînement qu'il avait suivi en Californie lui revenait petits bouts par petits bouts, mais il n'avait pas encore, loin s'en fallait, retrouvé le niveau qu'il avait à l'époque. Il se débattit, mais la prise du vampire ne se desserra pas d'un pouce. Et la " veuve éplorée " se remettait debout. Merveilleux, songea-t-il. Sa nuit allait de mieux en mieux.

La vampire se tenait debout au beau milieu de la rue, un large sourire sur son visage déformé. Sam se concentrait sur elle, et elle-même était tellement occupée à savourer le spectacle qu'aucun d'eux ne prêta attention à la voiture qui avançait dans la rue. Jusqu'à ce que la voiture accélère brusquement et la percute de plein fouet, l'envoyant un dizaine de mètres plus loin.

Sautant sur l'occasion, Sam donna un violent coup de tête en arrière. Il sentit le nez de son adversaire éclater, et il grimaça quand des étoiles apparurent dans son champs de vision. Je ne me souvenais pas que ça faisait si mal, songea-t-il.

Le temps que sa vision s'éclaircisse, le vampire au nez cassé avait arrêté de crier et s'apprêtait à repasser à l'offensive. Il entendit Tania crier : " Sam ! " et il aperçut un mouvement du coin de l'œil. Il attrapa au vol le pieu qu'elle lui lançait, et accorda toute son attention au vampire - qui ne devait pas exister depuis très longtemps, à en croire l'erreur de débutant qu'il commit. Il était monté sur le toit d'une voiture et il s'en lança, bras écartés, pour atterrir sur Sam et l'envoyer par terre. Sam se contenta de tenir le pieu devant lui, et le vampire alla sagement s'empaler dessus. " Amateur, " dit Sam au moment où le vampire se vaporisait.

Il se retourna pour voir où Tania en était, et grimaça. Elle était par terre, et la veuve sifflait : " Tu n'aurais pas dû te mêler de ça " avant d'essayer de la mordre. Elle était trop occupée pour se rendre compte que Sam levait un pieu eu dessus de son dos. Il visa et abattit le pieu de toutes ses forces. Il perdit l'équilibre, emporté par son élan, et il se retrouva couché sur Tania quand la vampire redevint poussière.

Ils se regardèrent, hors d'haleine. Elle finit par sourire. " Hey. Qu'est-ce qu'on ferait si un journaliste nous voyait dans … euh … cette position. "

Il rit nerveusement. " C'est pas que je me plaigne, mais qu'est-ce que tu faisais encore là ? "

" J'en avait marre d'attendre ton coup de fil. "

Il allait répondre quand une voix familière demanda, derrière lui : " Sam ? C'était quoi, ça ? "

Tuez-moi, pensa-t-il, sans faire le moindre effort pour se relever.

" Sam ? " demanda un autre voix, et il enfouit son visage dans l'épaule de Tania en murmurant : " Tue-moi. S'il te plaît. "

" Sam ? " demanda Tania, en lui tapotant le dos maladroitement.

Sans se redresser, il marmonna : " Tania, je te présente CJ Cregg, attachée de presse à la Maison Blanche, et Toby Ziegler, mon patron. "

" Sam ? " répéta Toby comme s'il ne l'avait pas entendu, " C'était quoi, ça ? "

 

Epilogue

 

Washington

(Une semaine plus tard)

 

Wesley et Cordelia venaient de repartir pour la Californie. Les choses commençaient à s'organiser dans le groupe. Scott avait accepté de continuer à travailler avec eux, mais la mort de ses anciens équipiers l'avait affecté. Tania et Sam étaient d'accord sur le fait que ce n'était pas forcément une mauvaise chose. Il était plus prudent, plus mûr. Il grandissait.

Mark avait décidé de rester à Washington pour les aider. Il avouait avoir toujours eu envie de revenir aux Etats-Unis. Il n'avait pas l'intention de laisser passer cette occasion.

Tania et Sam sortaient aussi souvent que leur travail respectif le leur permettait. Sam savait qu'il allait devoir prévenir CJ – une fois qu'elle se serait remise du choc de la révélation que les vampires étaient réels. Mais un journaliste allait forcément bientôt les voir, Tania et lui, et il ne voulait pas que l'attachée de presse soit prise par surprise.

Il savait qu'avec le travail qu'il faisait, leur relation allait forcément attirer l'attention. Ils étaient tous les deux des adultes consentants, mais il n'y avait pas moyen d'éviter qu'une certaine presse en parle. Mais ce n'étaient pas les journalistes qui inquiétaient Sam.

Des tas de gens acceptaient mal qu'une noire et un blanc sortent ensemble. Sam ne comprendrait jamais pourquoi ces gens s'imaginaient que sa vie et celle de Tania les concernait, mais il se doutait que son idéalisme n'était pas partagé par tout le monde. Il avait eu l'occasion de le remarquer la veille, quand ils étaient allés au restaurant. Le serveur s'était débrouillé pour les faire attendre trois quarts d'heure avant de prendre leur commande, puis une heure de plus avant de les servir. Quand il était arrivé avec les apéritifs, Sam lui avait demandé l'addition, et le ton de sa voix avait visiblement empêché le serveur de faire une remarque sarcastique.

La seule raison qui avait empêché Sam de faire un scandale et de demander à parler au directeur avait précisément été qu'il ne voulait pas attirer l'attention sur eux, pas encore.

Tania et lui en avaient discuté et étaient prêts à affronter la situation – après tout, quelques néo nazis n'étaient rien à côté de Ghan – mais ils espéraient que leur relation survivrait à la pression. Ils voulaient avoir quelques semaines rien qu'à eux avant que le monde réel vienne les perturber. Ils espéraient que ce ne serait pas trop demander.

Après ça, Sam se le promettait, il mettrait CJ au courant et il ne se gênerait plus pour remettre à sa place quiconque les regardait de travers - du moins, si Tania ne leur avait pas fait une tête au carré avant.

Ses yeux tombèrent un autre carnet de notes et il le prit, l'air pensif. Mark le lui avait donné, lui disant qu'il l'avait récupéré dans les affaires d'Aaron et qu'il devrait le lire.

Il ouvrit le carnet et se mit à le parcourir distraitement. Une date lui sauta aux yeux et il se mit à lire ce que son ami avait écrit ce jour-là. Trois jours après sa noyade.

 

Je ne me fais pas à l'idée que c'est vraiment arrivé. Je ne sais pas ce que j'aurais fait s'il leur était arrivé quelque chose. Ce sont mes enfants et les voir tous à l'hôpital … retrouver Sam comme ça …

Ils ne lui ont pas encore donné de détails sur ce qui s'est passé et je ne peux qu'espérer qu'il ne se souviendra pas de cette nuit. Mais j'en doute.

Je devrais refuser qu'ils se mêlent de ça à l'avenir. Je ne veux pas de cette responsabilité. Je veux qu'ils aient une vie tranquille. Si seulement ça dépendait de moi … J'entends encore Mark me dire que je n'aurais pas dû les mettre au courant. Comme si j'avais eu le choix. L'histoire habituelle des membres de gang n'aurait jamais marché avec eux.

 

 

Sam interrompit sa lecture, un sourire aux lèvres. Avec le recul, il compatissait avec Aaron. Ils ne lui avaient laissé aucune chance de se défendre. Ils étaient entrés dans sa vie, et avaient exigé d'en faire partie.

Il comprenait maintenant. Deux de ses amis venaient de se rendre compte que leur monde ne serait plus jamais le même, et les connaissant, ils ne voudraient pas rester à l'écart. Il avait bien essayé de leur sortir l'histoire habituelle, mais ils ne l'avaient pas cru. Comment auraient-ils pu, ils avaient assisté aux cinq dernières minutes de la bataille, ils avaient bien eu le temps de voir que ce qui l'attaquait n'avait rien d'humain.

Il sourit en repensant à la conversation qui avait eu lieu dans le bureau de son chef, juste après la mort de Dahl – où allaient-ils chercher des pseudonymes pareils ? – alors que CJ le forçait à mettre une poche de glace sur le genoux auquel il s'était fait mal. Faites confiance à CJ pour materner son monde, songea-t-il, amusé.

Son chef le regardant d'un air féroce, lui s'embrouillant dans ses explications, CJ s'exclamant : " Enfin, Sam, depuis quand les êtres humains se transforment-ils en poussière ? " … Une conversation surréaliste. Une de plus.

Il avait fini par tout avouer. Et ils avaient eu du mal à le croire. Ils avaient fini par se rendre à l'évidence, et ils l'avaient tous les deux bombardés de questions le lendemain. D'où venaient-ils, que voulaient-ils (la réponse à CA les avait fait pâlir), comment s'en débarrassait-on …

Il allait falloir qu'il fasse preuve d'imagination pour les tenir à l'écart, il en était sûr. Ils ne s'étaient pas engagés à servir leur pays à la légère…

 

 

Je les regarde se débattre dans les problèmes que rencontrent tous les adolescents, et je les regarde affronter ces horreurs – et je suis presque sûr que ce qu'ils considèrent comme le plus pénible n'est pas l'invasion des vampires – et je me dis que je devrais être fier de les connaître, tous. Et je le suis. Mais je suis moins fier qu'inquiet.

Et ce qui me fait le plus mal, c'est que le monde ne saura jamais ce qu'ils ont fait pour lui. Sam est mort à seize ans, Chris, Ben, Robbie et Ally ne seront plus jamais les mêmes après cette nuit, ils ont tous accepté de donner une partie de leur jeunesse à la " cause ", et personne ne saura ce qu'ils ont dû affronter, et à quel prix.

Et si le pire devait arriver, si le pire était arrivé, ils seraient juste des victimes anonymes de plus. Une statistique sur les morts de jeunes en Californie.

Plus j'avance, plus je me dis que les personnes qui se dévouent à la cause méritent plus que l'anonymat, les rumeurs qui circulent sur leur compte et l'absence de vie sociale que leur " travail " leur impose.

Mais l'heure des visites approche et il faut que j'aille les voir.

A défaut d'autre chose, ils ont au moins une autre famille.

 

 

Sam ferma le journal, les larmes aux yeux. Il s'était souvent fait les mêmes réflexions. Il savait, même à l'époque, qu'Aaron les considérait comme ses enfants. Ça avait dû le tuer de les envoyer se battre. Et ça avait dû le tuer de ne rien pouvoir dire à leurs parents quand ils étaient blessés et qu'ils devaient mentir.

Prenant une décision, il remit le journal dans un sac avec ceux qui avaient servi à Wesley pour faire ses recherches. Mark devait les garder.

Vérifiant l'heure, il réalisa que c'était le moment de passer son coup de fil à Los Angeles.

 

*****

Los Angeles

 

Wesley raccrocha et leva les yeux pour voir que les deux autres le dévisageaient curieusement.

" Rien là-bas qui mérite notre attention ? " demanda Gunn.

" Non, la situation a l'air d'être sous contrôle, " répondit Wesley.

" Tant mieux, parce que c'est pas comme si on manquait de travail de notre côté, " répliqua le jeune homme.

Wesley ne lui en voulait pas pour ses reproches implicites. La semaine avait été longue pour lui. Et il avait été seul pour faire face à la situation, Angel étant toujours en " congé démoniaque ", comme Cordelia l'avait formulé.

Sam et lui avaient décidé que se tenir au courant serait sans doute utile. Il maintenait des contacts réguliers avec Giles – qui semblait enfin ne plus avoir une opinion déplorable de lui. En tout cas, pas autant qu'avant. Il ne lui disait pas tout et il soupçonnait que son compatriote passait certains détails sous silence, lui aussi, mais ils avaient une idée de ce qui se passait chez les uns et chez les autres. Ils pouvaient se donner des conseils, ils pouvaient s'avertir quand quelque chose risquait de les dépasser et de mal tourner.

Wesley partait du principe qu'un réseau d'équipiers disséminés dans le pays était une bonne chose, et Sam avait visiblement décidé de se relancer dans l'aventure. Il soupçonnait que Tania n'y était pas pour rien, mais quelles que soient les raisons, il connaissait maintenant un des groupes opérant à Washington.

 

*****

Washington

 

Sam regardait par la fenêtre, rêveur.

Prenant sa décision, il attrapa le premier bic qui lui tomba sous la main et se mit à écrire.

 

J'avais pourtant juré que je n'écrirais pas cette histoire.

 

Il s'arrêta pour réfléchir. Il s'était souvent dit, comme Aaron, que l'anonymat dans lequel ils se battaient avait quelque chose de pathétique. Et il avait décidé de se battre contre ça aussi. Peut-être personne dans le " grand public " ne lirait-il jamais ces lignes, mais lui savait la vérité et l'écrire l'aiderait peut-être à l'accepter.

Et il avait l'impression d'avoir trahi ses amis pendant trop longtemps, en faisant l'impossible pour oublier ce qui s'était passé. Il était temps qu'il se souvienne d'eux.

 

Je n'écris pas de fiction, je me limite aux discours, aux listes d'arguments et de contre-arguments qu'on me demande de fournir pour mon travail.

 

FIN

 

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