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Titre : 20 Hours in DC Auteur : Genre : Durant l'épisode " 20 Hours in LA / 24 Heures à Los Angeles " ( en relation avec un épisode ) Copyrights : Les personnages de la série " A la Maison Blanche " sont la propriété de leur auteur Aaron Sorkin, des producteurs et de la chaîne qui détient les droits de diffusion. La publication de fanfics n'a pas de but lucratif : " je ne touche pas de droits là dessus ! " Note de l'auteur : SVP, envoyez-moi des feedback pour me dire ce que vous avez pensé de cette fanfic !!
" Le Président s'est envolé cette nuit pour Los Angeles où il doit y passer la journée… " Je baisse le volume, secouant la tête avec exaspération. Comme à son habitude, Bartlet n'a pas voulu faire comme tout le monde, et a choisi le milieu de la nuit comme heure de départ. Un nouveau caprice pour bien montrer qui mène le bal. Les journalistes ont dû être ravis. Je chasse de ma tête Bartlet et ses histoires. J'aurai bien assez à me préoccuper de lui dés que je mettrais un pied dans mon bureau. J'éteins la télé, et me plonge dans un magazine posé sur la table, tandis que je gagne ma chambre pour m'habiller. Puisque le sommeil se refuse à moi, et que je dois être dans deux heures à la Maison Blanche, autant aller tenter de se détendre en courant un peu. Une vingtaine de minutes plus tard, en basket, je rejoins les agents des services secrets qui m'attendent en bas. Je devine sans mal qu'ils ne sont pas franchement ravis de se lancer dans un jogging de si bonne heure, une course non prévue de plus : ils n'ont pas pu prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer ma sécurité… Mais de toute manière, à cette heure-ci, tout le monde dort. Une voiture noire nous suit alors que je m'engage dans le tour d'un des parcs de Washington. Seulement le tour car les lieux ne sont pas " sécurisés ", et l'armada des services secrets qui se trouve en voiture ne peut pas y pénétrer. Depuis ma prise de fonction, je n'ai plus jamais mis les pieds dans un parc pour courir. Je dois me contenter des avenues de Washington… Encore une raison de pester. Je ne sais pas exactement combien de temps nous avons passé à courir dans les rues d'un Washington qui se réveillait juste, mais je dois avouer une chose : ça a eu le don de me calmer et de faire baisser la frustration et le stress qui avaient grandi en moi tout au long de la nuit. J'avais envie de savourer ce moment car il serait probablement le seul moment agréable de la journée. Léo allait me tomber dessus dés que je mettrai un pied à la Maison Blanche. 50-50. C'était impossible. Aussi bien ce résultat que la situation dans laquelle Bartlet m'avait mis. Il reste encore une chance. Si Huntington ou certains autres des indécis ou des fidèles de Bartlet pouvaient changer d'avis et avoir la bonne idée de voter "pour" ce fichu crédit d'impôt, cela m'épargnerait bien des peines et parviendrait peut-être à sauver ma journée. Mais ça fait longtemps que je ne crois plus au miracle. Je vais passer une mauvaise journée, c'était certain. _ Monsieur le Vice-Président, dit Anthony McAllister, un des deux agents qui me suivaient. _ Oui ? _ Vous nous aviez dit de vous dire quand il serait 6 heures. Je regarde ma montre avec regret. Le temps de la détente est terminé. Je hoche la tête en reprenant mon souffle. En avant pour une journée qui promettait d'être tout sauf agréable.
L'assistante de Léo est en train de taper sur le clavier de son ordinateur lorsque je pénètre dans son bureau. Marge ou Margaret je crois qu'elle s'appelle. Je n'arrive jamais à m'en souvenir. _ Monsieur le Vice-Président, salue-t-elle en se levant. _ Bonjour… Margaret, je tente. Aucune réaction. J'ai dû tomber juste. _ Léo est là ? je poursuis, tout en sachant parfaitement qu'il est là, et qu'il m'attend, et qu'il doit être en train de peaufiner ses arguments pour que je fasse pencher la balance de leur côté. _ Oui, monsieur, répond Margaret en se dirigeant vers la porte d'entrée du bureau du secrétaire général de la Maison Blanche. Elle va annoncer mon arrivée à Léo McGarry. _ Bonjour Léo, dis-je en essayant de paraître détendu et serein. Il est assis sur le canapé. _ Bonjour Monsieur le Vice Président, répond Léo masquant lui aussi ses émotions. Monsieur le Vice Président… La manie de Léo de jouer avec les noms et les grades des personnes quant il part en quête d'un soutien ou d'une voix supplémentaire m'a toujours amusé. Vu le nombre de fois où il m'a donné mon titre d'entrée de jeu, je comprends que le miracle n'a pas eu lieu, et que la situation est toujours bloquée. Cela signifie aussi que Léo ne va pas y aller par quatre chemins et va attaquer directement. _ C'est toujours 50-50 ? je demande d'un air impliqué. Si vous n'aviez pas été si aveugles tous autant que vous êtes et que vous aviez rabattu votre orgueil et laissé tomber ce crédit d'impôt… Il serait temps d'ouvrir les yeux sur la réalité de l'éthanol, mais, évidemment, c'est trop demander à l'administration Bartlet qui est incapable de reconnaître ses erreurs… _ Et c'est parti pour le rester. _ Est-ce que Sam a parlé à Huntington? Pourquoi est-ce que cet idiot de sénateur qui a l'habitude d'obéir au doigt et à l'œil aux ordres de la Maison Blanche choisit-il ce vote pour affirmer son semblant de personnalité ? _ Il a parlé à Huntington. Il a parlé à Gianelli. Il a parlé à Kelly, à Martinson, et Rathburn. Tandis qu'il énumère un à un les noms des sénateurs qui constituaient ma dernière chance, je me rends définitivement à l'évidence : c'est bel et bien foutu. Je vais avoir droit aux arguments ressassés et réchauffés en faveur du crédit d'impôt sur l'éthanol pour le restant de la journée. Et me voilà pris dans un piège où les deux seules issues possibles me sont défavorables. _ Récemment ? C'est une dernière tentative pour m'accrocher à un espoir. Malheureusement, tout est bel et bien bouché au Sénat. _ Ce matin même. Aucun ne veut bouger. Léo dit ça comme s'il s'agissait d'un étonnement ou quelque chose comme ça. _ On pouvait s'y attendre un peu, vous ne croyez pas ? je déclare en m'efforçant de rester calme. _ Je ne trouve pas. J'ai été surpris. Surpris. Oui, c'est le mot. _ J'ai siégé au sénat avec 94 d'entre eux. _ Enfin voilà. Il a l'air assez mal à l'aise. On sait tous les deux où il veut en venir, mais aucun de nous ne veut se lancer et entamer la joute. _ Oui. Je n'ai aucune envie de lui faciliter la tâche, et j'aimerais qu'il comprenne que l'objectif qu'il s'est fixé est impossible à atteindre car je n'ai pas l'intention de bouger de mes positions. Je me demande s'il le sait et joue la carte de la dernière chance ou bien s'il est vraiment naïf et aveugle à ce point. Mais, pour ce que je connais de Léo McGarry, je pencherais plutôt pour la première hypothèse. Hypocrisie politicienne dans toute sa splendeur que fut notre dialogue. _ Le Président souhaiterait que vous remplissiez l'un des deux fonctions que la Constitution réfère au Vice Président en votant pour le crédit d'impôt sur l'éthanol, afin de rompre l'équilibre des voix. Il m'a aussi dit de vous dire qu'il est vraiment désolé de vous mettre dans cette position. Ca y est. Il l'a dit. Le problème est désormais officiel et bien tangible, il ne s'agit plus de possibilités et de " si ". Je me lève et vais à la fenêtre. Le soleil est levé et illumine la capitale. A ce moment-là, je ne sais pas qui je déteste le plus entre Bartlet et Léo. Me mettre dans une situation pareille… Il est "désolé". Ben voyons… Moi aussi je suis désolé. _ Il faut que vous me tiriez de là, Léo, c'est trop me demander, je déclare en résistant à la brusque envie de dire ce que je pense de tout ça au secrétaire général de la Maison Blanche. _ John, je sais ce que vous ressentez. N'importe quoi. Le grand Léo McGarry serait-il à court d'argument pour tenter une perche si basse et si peu convaincante ? J'ai du mal à ne pas éclater de rire. Non que cette situation me paraisse amusante d'un quelconque point de vue, mais plutôt à cause du ridicule des propos tenus par Léo. _ Non, non, je ne crois pas, Léo. _ Je le sais... commence-t-il. Je le coupe avant qu'il ne se lance dans une autre de ses stupides remarques. Cela commence à m'énerver plus que cela ne devrait. _ J'ai passé huit ans au sénat à voter contre ce crédit d'impôt. A l'époque j'avais raison, et j'ai toujours raison, mais le vrai, le... _ John, 16 000 nouveaux emplois, 4 milliards de dollars investis en équipement, et tout cela parce que le crédit d'impôt à rendu la production économique. Tiens. Ce n'est plus " monsieur, le Vice Président ", mais " John ", on passe au stade supérieur de cette discussion : Nous commençons à friser la franchise et nos réelles pensées dans nos propos. Aïe. La politique et la vérité n'ont jamais fait bon ménage. _ Léo, le crédit d'impôt sur l'éthanol n'a pas atteint un seul de ses buts ! La production est si faible qu'elle ne réduira jamais notre dépendance vis-à-vis des importations de pétrole. Et sa fabrication pompe une telle quantité d'énergie qu'en fin de compte, l'effet de préservation de l'environnement est totalement annulé ! _ John ? Il insiste. La mission qui lui a été délégué est que je vote " pour ", il ira jusqu'au bout. Je déteste Léo McGarry. _ Le vrai problème n'est pas là. _ C'est quoi le problème ? J'essaye de rester sérieux et de contenir ma colère. Chose plutôt ardue, Léo ne me facilitant vraiment pas la tâche. _ C'est que les Républicains vont me le servir à toutes les sauces, quand mon heure sera venue et vous le savez ! Alors, soyons sérieux. Un peu de franchise n'a jamais fait de mal à personne. Je ne voterais pas "pour", mais je ne peux pas décemment voter "contre". Je suis bloqué. Et ce cher Léo le sait aussi bien que moi. Mais quitte à faire parler de moi, je préfère passer pour un traître que d'avoir à subir les railleries des républicains et de certains démocrates. Aucune de ces deux options ne me satisfait, mais s'ils m'obligent à choisir, cela ne sera pas dans leur camp que je ferais pencher la balance. Je crois que Léo en est conscient, même si je ne peux l'affirmer avec certitude. Saleté de Constitution.
_ Comment s'est passée votre rencontre avec monsieur McGarry ? demande-t-elle en me tendant quelques lettres qu'elle a déjà trié. _ Comment se passe chacune de mes rencontres avec Léo ? _ Mal. J'ai du mal à ne pas sourire devant cette réponse sans arrière-pensée de ma secrétaire. _ Celle-ci n'a pas dérogé à la règle. _ C'est 50-50, monsieur ? _ C'est 50-50. Janeane hoche la tête, prenant probablement mentalement note que je ne vais pas être de bonne humeur de la journée. Elle sort de sa poche quelques petites fiches où elle a dû noter toutes les personnes ayant appelé depuis ce matin. Les politiciens sont donc tous matinaux ? _ Le bureau du Sénateur Rollins a appelé. _ Je n'étais pas sensé déjeuner avec lui à midi ? _ Exactement. Le sénateur vous prie d'accepter ses excuses. Il a un empêchement de dernière minute, il ne pourra pas venir. _ Excellent. Première bonne nouvelle de la journée, je ne vais pas avoir à le supporter pendant une heure, à l'entendre parler de ses réussites à la Bourse. _ Evan Doe a lui aussi appelé. Il m'a laissé un message. Elle farfouille dans ses fiches, cherchant où elle a noté ce que Doe lui a dicté. Je me demande qu'elle est la raison de cet appel. Doe ne devait pas appeler avant le début de la semaine prochaine… et encore… avec beaucoup de chances. Seigneur, faîtes qu'il n'est pas tout fait foirer. _ Ah, voilà ! s'exclame Janeane. Il m'a dit que c'était terminé, tout est rentré dans l'ordre. L'homme a décidé de ne pas porter plainte contre 50 000 dollars. Là, j'avoue, je suis surpris. Doe doit être quelqu'un de vraiment persuasif, même si je ne m'en suis personnellement jamais rendu compte. Il va falloir que je me renseigne sur ce qui s'est réellement passé à Denver. _ Vraiment ? Contre 50 000 dollars ? _ Oui, monsieur. _ Janeane, vous trouvez que Doe est un avocat doué ? _ Je n'ai pas les compétences nécessaires pour le juger. Mais d'après ce que j'ai entendu, il a une bonne réputation à Washington. _ C'est bien pour ça que je l'ai engagé. Joignez-le moi dés que possible. _ Bien monsieur. _ Autre chose ? _ Euh… Une dernière chose : Harry Fullman et Andrea Dietrich veulent vous voir au plus vite. _ Ils ont dit pourquoi ? Elle secoue la tête. Evidemment, ces deux-là adorent se faire désirer et faire croire que leur entrevue équivaut à une affaire d'Etat. Dommage que ces deux clowns continuent d'officier dans la Maison Blanche, je me passerais bien de leur visite hebdomadaire, la plupart du temps inutile. _ Bon. Casez-les quelque part et allez passer ce coup de fil pour Denver. _ Tout de suite, monsieur le Vice Président. J'ai engagé Evan Doe il y a une semaine. Mon beau-frère, qui habite Denver, y a provoqué un accident il y a une dizaine de jours. Un des hommes de la voiture qu'il a heurtée s'est retrouvé à l'hôpital, les deux jambes brisées accompagnées d'une très sévère commotion cérébrale. Mon beau-frère, Richard, est chirurgien. Pas fantastique. Mais honnête. Le genre de type qui peut opérer sans problème une appendicite, mais à qui on ne confierait pas une opération comme la greffe d'un rein ou autre. Le blessé de l'accident a porté plainte. Avec ce genre de publicité, son hôpital était prêt à le lâcher. C'est alors qu'il s'est brusquement souvenu de notre existence et qu'il a appelé à la maison avec sa voix chevrotante. Trente secondes pour s'enquérir si tout allait bien de notre côté, puis il a abordé ses problèmes en suppliant que j'utilise mes relations pour le sauver. Je l'aurais bien envoyé se faire voir, mais la famille… Cet idiot pensait sans doute que j'allais déranger le ministère de la Justice pour lui. Je me suis renseigné sur les bons avocats de Washington dans ce genre d'affaire, et j'ai engagé Evan Doe. Pour le prix qu'il me coûte, il avait deux semaines pour régler le conflit. Si l'homme s'entêtait à porter plainte, il avait ordre d'abandonner. Je n'ai aucune envie de voir mon nom associé à celui de Richard. Un souci de moins en perspective si Doe a réussi à régler l'affaire à l'amiable. Un seul détail dérangeant, je suppose que les 50 000 dollars vont devoir sortir de ma poche. Attendant que Janeane parvienne à avoir Doe au téléphone - il va falloir aussi que je lui règle sa prime pour avoir réussi ce tour de force dans les délais ; 100 000 dollars claqués pour Richard ; Peut-être devrais-je réagir comme un politicien en famille et cesser de faire dans les sentiments -, je jète un coup d'œil sur mon planning de la journée. Quatre rendez-vous avec des personnes dont je me fous totalement, une rencontre avec le Premier Ministre du Paraguay qui promet de me prendre une grande partie de l'après-midi. Je ne parle pas espagnol, il ne parle pas anglais. Parfait, on va bien s'entendre.
Malgré tout, je suis crevé. Et il n'est que 16 heures. Ce genre de léger coup de pompe m'arrive assez souvent vers la fin de l'après-midi. Je crois que c'est dû à mes insomnies. Je ne dors pas assez la nuit. J'ai des journées de 17 heures. Et pour couronner le tout, j'ai plus de problème avec les gens avec lesquels je suis sensé travailler qu'avec ceux contre lesquels nous sommes sensés travailler. Mais j'ai signé pour le job. Encore trois ans. Ensuite on verra bien. Je regagne mon bureau, deux agents des services secrets me suivant comme mon ombre. McAllister me demande quand est-ce que je compte rentrer chez moi ce soir. J'ai un haussement d'épaule comme seule réponse. Il y a quelques années, j'aurai pu répondre : "dés que j'aurais liquidé le plus gros sur mon bureau". Le problème maintenant, c'est que tout est suffisamment important pour que je veille toute la nuit : j'aurais toujours un truc à faire pour m'occuper. Janeane a déjà déposé une pile de dossier dont je dois prendre connaissance sur mon bureau. Je lis les titres écrits sur l'étiquette de la couverture. Rien de passionnant, mais plusieurs heures de lecture en perspective. Janeane revient dans le bureau tandis que je m'assois. Elle re-lit en vitesse ses notes, triant ce qui est susceptible de m'intéresser, de ce qui sera donné à mes collaborateurs en premier. _ La secrétaire de Léo McGarry a appelé. Monsieur McGarry aimerait vous voir d'ici la fin de la journée… Je pousse un soupir. Non que j'avais imaginé que Léo abandonne… Mais j'avais presque oublié ce crédit d'impôt sur l'éthanol qui me gâche mes nuits depuis une semaine. _ Dîtes-lui que je suis débordé actuellement. Mais que je devrais quitter le bureau vers 23 heures. McAllister a sa réponse au moins. _ Vous êtes sûr ? demande Janeane en cherchant à déchiffrer mon expression. On n'envoie pas balader le secrétaire général de la Maison Blanche. _ Janeane, regardez cette pile de dossier. Je vais être occupé pendant plus de 5 heures pour réussir à lire tout ça. Et je crois que nous nous sommes déjà tout dit ce matin avec Léo. Elle hoche la tête en signe de compréhension, et note en même temps ma réponse sur sa fiche. _ Bien monsieur. Elle marque une pause, puis reprend : _ Sinon…
Le temps est en parfaite harmonie avec mon humeur : il pleut. Léo m'accompagne jusqu'à ma voiture. Il a demandé un parapluie à un des agents des services secrets, je regrette sincèrement que ce dernier lui ait effectivement passé. _ John, je sais qu'on ne s'est pas toujours bien entendu. Mais permettez-moi de vous parler en ami ne serait ce qu'un instant. Vous ne voulez tout de même pas être le premier Vice-Président de notre histoire à rompre l'équilibre d'un vote en faisant pencher la balance du mauvais côté ? En "ami"… Léo, si vous êtes ne serait-ce que la moitié du bon politicien auquel on vous assimile, vous sauriez que le mot "ami" n'a rien à faire avec le mot "politique", et qu'on pourrait presque prendre ça comme une injure tant l'hypocrisie sous-jacente perce dans ces propos. Je suis toujours aussi bloqué, mais le fait qu'il évoque clairement l'hypothèse que je fasse pencher la balance du mauvais côté montre bien qu'il commence à reculer sur ses bases. _ Je ne cherche pas à faire d'histoires. _ Alors, qu'est-ce que vous cherchez John ? La presse parlera de vous de toutes façons. Avec sa voix condescendante, et sa mine impliquée, je suis persuadé qu'il mériterait presque une nomination aux oscars. Cette attitude m'énerve, tout comme son insistance entêtée et stupide : n'a-t-il pas encore compris que je ne voterais jamais "pour" ce crédit d'impôt ? _ Léo… _ Je sais... Ca vous tracasse qu'il y ait des frictions entrevous et mon équipe. Vous croyez qu'il ne vous respecte pas ? Mais c'est faux. Seulement ils se méfient de vous, et c'est aussi le cas du Président. Tiens, changement d'argument du tout au tout. Ce doit être la technique de la dernière chance pour que Léo en vienne à mettre sur la table les rapports conflictuels que j'entretiens avec toute l'équipe présidentielle. _ Ecoutez... je commence, préférant couper court à ce genre d'arguments qui ont plus le don de me mettre en colère que de me faire changer d'avis. _ C'est vrai c'est un peu brutal. Mais enfin, c'est moi qui l'ai convaincu de vous prendre comme colistier. Et c'est moi également qui serait à vos côtés quand vous ferez l'histoire, que vous le souhaitiez ou non. Il y des moments où Léo peut être vraiment exaspérant. Même au-delà de l'exaspérant. _ Léo, un de ces jours vous allez devoir admettre que mes intentions sont parfois moins cyniques que vous ne l'imaginiez. Vous et votre équipe êtes d'une incroyable suffisance et le Président aussi pour être tout à fait franc. Et que vous croyez que les frictions qui existent entre nous peuvent me toucher le prouve largement ! Bien. C'est dit. J'aurais mieux fait de me taire, mais mes propos ont été plutôt soft comparé à l'état d'énervement dans lequel je me trouve. Pourquoi est-ce qu'ils ne reviennent pas sur ce fichu crédit d'impôt ? Est-ce qu'ils sont à ce point aveugle pour ne pas voir tous les ratés auxquels il a donné lieu ? _ John, vous n'allez plus pouvoir vous montrer dans l'Aile Ouest. Et vous ne serez plus Vice Président dans trois ans. Les menaces maintenant. Léo, vous valez mieux que ça. Il faut que je donne le change avant que Léo ne poursuive dans cette direction. Tout politicien que je suis, je suis actuellement quelqu'un de crevé qui risque de tenir des propos qui dépasseraient sa pensée. Je me rabats vers un dialogue voué à l'échec, qui l'exaspèrera autant qu'il m'exaspère, et qui me paraît le plus simple pour clore cette conversation. _ Léo, vous m'avez tendu un piège ! _ Vous croyez que le président a le don d'influer le cours des choses au point d'obtenir un vote avec égalité au Sénat ? Bien sûr que non. Même si, avec un minimum de prévoyance, vous auriez su - ou vous saviez - que le risque existait de manière importante. _ Je crois que le Président des Etats Unis fait à peu près tout ce qu'il a envie de faire. Que Léo comprenne que je ne bougerais pas de mes positions, et que, quitte à faire parler de moi, ce sera en étant " fidèle à mes idées "… Au président de reculer, Léo. Faites pencher la balance en votre défaveur tout seul avant que je ne le fasse moi-même. Ca vaudra mieux pour tout le monde. _ C'est faux. C'est le moment de couper court à cette conversation qui prend des tournures vraiment bizarres et saugrenues. _ Bon, où est le Président actuellement ? je demande, avec un calme quelque peu retrouvé. _ Chez Ted Marcus à lever des fonds. _ C'est le moment de l'appeler, je crois. Désolé Léo, mais cette fois-ci, vous avez perdu. Si je dois apporter ma voix à ce vote, ce ne sera pas dans le sens de la Maison Blanche. Qui sera le plus embarrassé des deux ? Moi en étant désormais considéré comme un traître - mais vu comme le staff du Président me considérait déjà auparavant, je ne crois pas que cela fasse grande différence - ou le Président embarrassé par le fait que ma "trahison" ? Je laisse Léo à ce dilemme, et monte dans ma limousine. Léo, réveillez-vous, pour l'amour de Dieu. Ce n'est pas encore trop tard. Ayez un moment de lucidité, et reculez sur vos positions. Ce crédit d'impôt va vous exploser à la figure sinon, sans que vous n'y compreniez rien.
Je ne me suis pas couché parce que je sais que le président va appeler. Soit pour me demander en termes très clairs ma démission, soit pour m'annoncer que lui et son administration ont reculé, et qu'ils se sont décidés à laisser filer le crédit d'impôt sur l'éthanol. Et j'ai eu raison de ne pas me coucher, le téléphone sonne soudain. J'ai réglé la sonnerie au minimum pour éviter de réveiller toute la maison. Je décroche en croisant, malgré tout, les doigts. Notre discussion est plutôt brève. Je suppose que Bartlet a déjà parlé pendant quelques temps avec Léo, et que ce dernier l'a calmé et lui a donné un aperçu concret des forces en présence. En effet, malgré une légère tension sous-jacente au début de la discussion, Bartlet paraît parfaitement calme et détendu au bout du fil. Sa voix est fatiguée, et je sens qu'il n'a qu'une envie : dormir. Lui aussi aurait-il des insomnies ? Cela ne m'étonnerait pas, mais peut-être devrait-il faire plus attention à sa santé… Avec sa sclérose en plaques, je pense qu'il devrait être un peu plus prudent. _ Quoiqu'il en soit Monsieur le Vice Président, on s'en occupe. On va sûrement en rester là, me dit sa voix dans l'écouteur. Excellent. La Maison Blanche a reculé, et je n'aurais pas besoin de voter pour trancher la décision du Sénat. Et le crédit d'impôt sur l'éthanol ne passera pas. De bonnes nouvelles en perspective ; et, finalement, après huit ans à avoir voté "contre" sans parvenir à empêcher de le faire passer, cela aura été sans voter, que j'aurais réussi à le stopper. _ Merci, monsieur. Ce merci est sincère pour une fois. J'aurais préféré qu'on n'en vienne pas aux menaces Léo et moi, mais, si c'était nécessaire pour que ce crédit d'impôt sur l'éthanol ne passe pas, alors tant mieux. _ Je vous en prie. Au revoir. _ Bonne nuit. Je vais raccrocher - le match à la télé est terminé, à la place, on a droit à une de ces interminables pages de pub - quand j'entends le président qui parle à nouveau. _ Attendez ! John ? _ Oui, monsieur? _ Je voulais vous dire... Vous savez, il y a deux ans dans l'Iowa, j'ai beaucoup admiré votre ténacité concernant le crédit d'impôt sur l'éthanol. Vous êtes allé dans l'Iowa et vous leur avez dit la même chose qu'au Sénat pendant huit ans alors que vous saviez que ça n'allait pas passer. Je dois vous avouer aujourd'hui qu'on est d'accord sur l'éthanol, mais je n'en ai jamais rien dit. Vous avez tenu bon alors que vous saviez que ça allait vous coûter l'Iowa et peut-être d'avantage. Enfin... Je tenais simplement à vous dire que... Ca a été votre jour aujourd'hui. C'est stupide de ma part, mais j'avoue que l'entendre parler comme ça, gomme les quelques restes de frustrations de la journée. _ Merci, monsieur le Président. _ Je vais essayer de dormir. Oui, moi aussi. _ Bonne nuit monsieur, à demain matin. _ Oui. Je repose le combiné téléphonique en soupirant. Pendant quelques minutes, je regarde sans vraiment suivre le début du téléfilm qui commence. Histoire d'un politicien véreux, qui trouve face à lui deux avocats idéalistes. Ben voyons… La télé n'arrive que très rarement à faire dans le réalisme. Je réfléchis à la journée qui se termine. Bonne journée finalement avec deux points positifs à en retirer : Doe a réglé toute l'affaire à Denver, et le crédit d'impôt sur l'éthanol n'est pas passé au Sénat. Finalement, cela n'aurait guère pu être mieux malgré toutes les inquiétudes qu'elle a générées. Les paroles du président me reviennent en mémoire, " Je dois vous avouer aujourd'hui qu'on est d'accord sur l'éthanol, mais je n'en ai jamais rien dit ", le président pouvait être surprenant quelque fois. Surprenant, c'était le mot. Bartlet jonglait de manière étonnante avec sa personnalité et sa vision politique de sa fonction : un temps, solide et réaliste, un autre temps, prisonnier de ses promesses électorales et de ses déclarations et totalement aveugle dans son analyse de la situation. L'un et l'autre étant souvent en contradiction. J'avoue ne pas savoir qu'elle est la véritable personnalité du président. Néanmoins, son discours a bien changé depuis la campagne électorale. Mais bon, il est bien normal qu'un candidat ne tienne pas le même discours qu'un président en exercice. Le contraste entre les deux est quand même amusant, même si je me demande si cela ne les conduit pas droit dans le mur. Il arrive que l'administration Bartlet ait quelque éclair de lucidité. Si ça arrivait plus souvent, peut-être qu'ils arriveraient à faire du bon travail dans l'Aile Ouest. Peut-être même que Bartlet pourrait briguer un second mandat avec une chance de parvenir à ses fins… Qui sait… Si ça arrivait plus souvent... FIN
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